3° Fiscalité 16 - Comme toute donation, la donation-partage est soumise aux droits de mutation à titre gratuit sur les biens donnés, selon le lien de parenté existant entre le donateur et le donataire, et après application des abattements dont peut disposer le donataire. Toutefois, la base d'imposition et l'assiette des droits de mutation à titre gratuit sont différentes selon que la donation-partage est ou non à titre pur et simple : ‰ si la donation-partage est à titre pur et simple, c'est-à-dire sans soulte, les droits de mutation sont calculés en fonction des attributions de chaque donataire : le montant peut être différent entre les donataires, notamment si certains biens bénéficient d'exonération d'assiette ; ‰si la donation-partage n'est pas à titre pur et simple (donationpartage assortie de soultes), les droits de mutation seront calculés en fonction des droits théoriques de chaque donataire. Ces questions seront traitées plus précisément dans l'étude dédiée à la fiscalité7. 2. Les donations-partages particulières A. - Donation-partage et indivision 17 - Sous réserve de respecter les conditions posées par l'article 1078 du Code civil, la donation-partage présente des avantages liquidatifs indéniables (absence de rapport, fixité des valeurs) qui garantissent la pérennité tant de la répartition des biens opérée par le donateur, que de l'égalité des lots entre les donataires. Toutefois, depuis deux arrêts rendus par la Cour de cassation en20138une exigence essentielle doit être prise en considération pour l'efficacité de l'acte : celle de procéder à des attributions divises entre les donataires. La Cour de cassation l'affirme de manière péremptoire« Il n'y a de donation-partage que dans la mesure où l'ascendant effectue une répartition matérielle des biens donnés entre ses descendants. ». À défaut, la donation-partage se verra disqualifiée en un ensemble de donations simples dont la prise en compte liquidative dans le règlement de la succession du donateur pourra avoir des conséquences à l'encontre des prévisions du donateur. Des solutions sont envisageables, à l'efficacité inégale cependant. 1° Conséquences de la disqualification 18 - Quelle configuration ?. –La donation-partage de quotesparts indivises suppose une donation-partage dans laquelle tout ou partie des biens donnés sont attribués en indivision entre tous les donataires ou certains d'entre eux seulement. L'hypothèse la plus extrême est celle d'un bien unique transmis à parts égales (ou non d'ailleurs) entre les donataires. Il s'agit ordinairement d'un bien non partageable, un bien immobilier le plus souvent ou un ensemble de biens formant une entité indivisible (un fonds de commerce, une entreprise, une exploitation agricole...). Refuser la qualification de donation-partage à l'acte a des conséquences civiles et fiscales. a) Conséquences civiles 19 - Lors du règlement de la succession du donateur, la donation-partage ainsi attaquée reste valable en tant que donation, mais doit être traitée comme une donation simple. Elle est par suite rapportable (sauf stipulation expresse de dispense de rapport) selon les règles du droit commun pour la valeur des biens donnés au jour du partage en tenant compte de leur état au jour de la donation, et sera prise en compte pour sa valeur au décès pour l'imputation et le calcul de la réserve. 20 - Quels impacts sur la liquidation ?. –Le rapport a pour but le maintien de l'égalité entre les héritiers : celui qui a déjà reçu du vivant du donateur prend une part plus faible dans les biens existants au décès pour qu'au final chaque part soit égale (sauf dispositions testamentaires éventuelles). Tant que le travail de revalorisation des biens donnés n'est pas effectué, il est impossible de savoir quelle part le donataire gratifié va prendre dans les biens existants : peut-être même devra-t-il indemniser ses cohéritiers si les biens existants sont insuffisants pour les remplir de leurs droits. Avec une donation-partage cette question ne se pose pas : la répartition des biens prévue à l'acte est acquise sans remise en cause possible. Les biens existants se partageront par principe à parts égales entre les héritiers si du moins chacun est rempli de ses droits à réserve. 21 - Pour l'imputation et le calcul de la réserve, la donation va conserver son rang et être prise en compte à sa date. Toutefois, les biens donnés devront être revalorisés à la date du décès. L'augmentation de leur valeur peut aboutir à une imputation en partie sur la quotité disponible soit de la donation elle-même, soit des donations ultérieures. La liberté testamentaire du donateur s'en trouverait affectée si la quotité disponible ne l'est plus... 22 - Étendue de la disqualification. – Alors que l'arrêt du 6 mars 2013 était rendu dans le cadre d'une donation-partage ne comprenant que des attributions indivises, l'espèce du 20 novembre 2013 concernait une donation-partage attribuant des droits indivis à seulement deux donataires sur trois le dernier d'entre eux recevant un lot divis. Dans cette dernière hypothèse, la question de la disqualification pourrait se poser : la donationpartage pourrait-elle subsister (avec ses attributs) pour les lots divis, seules les attributions indivises ne devant être traitées comme des donations simples ? Ce raisonnement « distributif » aboutirait à une liquidation successorale peu cohérente et artificielle entre les héritiers, voire pour un même héritier s'il était attributaire à la fois de manière divise et indivise. L'acte doit à notre sens garder son unité et être traité de manière uniforme : la disqualification sera totale. L'attendu de l'arrêt du 20 novembre 2013 semble imposer cette solution« L'acte litigieux, qui n'attribuait que des droits indivis à 2 des 3 gratifiés n'avait pu opérer un partage. ». C'est bien l'acte dans son entier qui a été disqualifié en donation simple9. 23 - Un arrêt rendu le 13 février 2019 paraît cependant admettre une disqualification partielle dans l'hypothèse d'une donation-partage contenant pour partie des attributions divises suivies d'un partage ultérieur proposé par le donateur (conformément à la possibilité offerte par l'article 1076 du Code civil) 7. V. infra Les droits de mutation à titre gratuit et le droit de partage : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 25. 8. Cass. 1re civ., 6 mars 2013, n° 11-21.892. – Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, n° 12-25.681. – Sur lesquels, V. not. : JCP N 2013, n° 23, 1162 ; JCP N 2014, n° 1-2, 1002, note J.-P. Garçon ; JCP N 2013, n° 51-52, 1296, n° 3, obs. F. Fruleux et F. Sauvage ; RTD civ. 2013, p. 424, obs. M. Grimaldi ; Defrénois 30 déc. 2013, n° 24, p. 1259, note M. Grimaldi ; Defrénois 15 mai 2013, 463, note F. Sauvage ; AJ fam. 2013, p. 301, n° 5, obs. Ch. Vernières ; Defrénois 15 avr. 2014, p. 348, note M. Nicod. – Adde : M. Grimaldi, Que faire au lendemain des arrêts de mars et novembre 2013 : Defrénois, 15 avr. 2014, p. 353. – Ph. Potentier, La donation-partage à propos de deux arrêts récents de la Cour de cassation : consonances et dissonances... : JCP N 2014, n° 16-17, 1168. – P. Murat, Turbulences sur la donation-partage avec attribution de quotités indivises : le sens de la jurisprudence : JCP N 2014, n° 18, 1183. – M. Chetaille, La pratique notariale et la nouvelle position de la Cour de cassation en matière de donation-partage : JCP N 2014, n° 18, 1182. 9. C. Goldie-Genicon, Donation-Partage et indivision : JCP N n° 49, p. 34. 8 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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