La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

1361 ÉTUDE DOSSIER Page 84 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 là où auparavant le caractère personnel du droit de désignation et révocation faisait échec à une telle possibilité. Le tuteur peut également exercer le droit de rachat dans l’intérêt du souscripteur. Il peut également verser de nouvelles primes, mais à la condition d’être autorisé à le faire par le juge, car les dis- positions de l’article 501 du Code civil, autorisant, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le tuteur à placer sans autorisation des fonds sur un compte ne sont pas applicables au versement libre de primes sur un contrat d’assurance-vie existant, ce type de placement demeurant un acte de disposition soumis, sauf cir- constances particulières, à l’autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des contentieux de la protection 7 . B. - L’insaisissabilité des valeurs de l’assurance-vie : un principe de plus en plus remis en cause 14 - À force de considérer l’épargne constituée par le souscripteur plutôt que le mécanisme assurantiel qui en est à l’origine, le droit contemporain ne pouvait que fragiliser le principe d’insaisissabilité résultant de celui-ci. Selon l’article L. 132-14 du Code des assurances, le capital ou la rente garantis au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces der- niers ont seulement droit au remboursement des primes, dans le cas indiqué par l’article L. 132-13, deuxième alinéa, en vertu soit de l’ar- ticle 1341-2 du Code civil, soit des articles L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce (aujourd’hui C. com., art. L. 632-1 et L. 632-2) . 15 - En d’autres termes, le créancier du souscripteur peut deman- der le remboursement des primes versées en cas d’exagération manifeste soit sur le fondement de la fraude paulienne, soit sur celui des nullités de la période suspecte. Ce remboursement peut être demandé au bénéficiaire si la garan- tie est délivrée ou à la compagnie d’assurances si le contrat est en cours, mais uniquement dans deux hypothèses et à la condition d’établir le caractère manifestement exagéré des primes dont il demande le remboursement. ATTENTION ➜ En d’autres termes, il ne suffit pas de constater que le versement a lieu pendant la période suspecte pour que l’action en nullité soit recevable. Il faut prouver l’exagération manifeste. 16 - En théorie, cela devrait limiter fortement les cas de rembour- sement des primes, lorsque le contrat est en cours au moment de l’action du créancier. En effet, compte tenu de la structure du risque sous couverture, il est difficile de considérer qu’une prime élevée est manifestement exagé- rée lorsque le versement est effectué par une personne relativement jeune. Car le risque couvert est principalement le risque de survie, risque qui renvoie aux conséquences économiques pouvant résulter 7 Cass. 1 re civ., 18 déc. 2020, n° 20-70.003 : JurisData n° 2020-022054. de la durée de vie. Il est difficile sinon impossible d’établir que le ver- sement de sommes importantes par une personne jeune constitue un versement manifestement exagéré, les variables pouvant impac- ter le niveau de vie recherché à terme étant très nombreuses. 17 - En revanche, il ne fait pas de doute que la créance de rachat est par elle-même saisissable. Mais la créance de rachat n’existe pas lors de la souscription du contrat, mais uniquement au moment de l’exercice du droit de rachat. 18 - Il en résulte le principe de l’insaisissabilité de la valeur du contrat non dénoué, car pour reprendre la formule de la Cour de cassation « tant que le contrat n’est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier le bénéficiaire de la prestation » 8 . Ce principe connaît essentiellement deux exceptions. 19 - La saisie pénale des contrats d’assurance-vie. – La loi n° 2010- 768 du 9 juillet 2010 a institué une procédure de saisie conserva- toire spéciale, figurant à l’article 706-155 du Code de procédure pénale. Cette disposition, exceptionnelle compte tenu de son domaine d’application, n’entraîne pendant la phase d’instruction que la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat, ainsi que l’interdiction de toute accep- tation postérieure du bénéfice dudit contrat, l’assureur ne pouvant plus consentir d’avances au contractant. 20 - La saisie administrative à tiers détenteur. – Le comptable public peut exercer le droit de rachat au lieu et place du redevable oublieux de ses obligations fiscales 9 . Selon l’article L. 262 du LPF, lorsque la saisie administrative à tiers détenteur porte sur un contrat d’assurance rachetable, elle entraîne le rachat forcé dudit contrat. Précisément, cette saisie ad- ministrative à tiers détenteur produit les effets d’un rachat total ou partiel du contrat d’assurance-vie et a ainsi pour objet d’en saisir la valeur de rachat, calculée au jour de la notification de l’acte 10 . ATTENTION ➜ Elle emporte attribution immédiate de la valeur saisie à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. 21 - Deux tendances fortes, différentes mais complémentaires, sont à relever dans l’actualité récente de l’assurance-vie, qui cha- cune fragilise le principe de l’insaisissabilité de l’assurance-vie. La première tendance tient à l’affirmation du principe de l’exis- tence d’une créance de rachat indépendamment de l’exercice du droit de rachat lui-même. 8 Cass. 1 re civ., 28 avr. 1998, n° 96-10.333 : JurisData n° 1998-001861 ; RGDA 1998, p. 309, note Bigot. 9 C. assur., art. L. 132-14. 10 BOI-REC-FORCE-30-30-20-10, 27 nov. 2019, § 190.

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