La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

ÉTUDE DOSSIER 1360 Page 79 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 - © LEXISNEXIS SA bancaires et assimilés (Ficoba), afin d’identifier l’ensemble des comptes bancaires ouverts au nom du défunt. Rappelons que le Fichier national des comptes bancaires et assi- milés (Ficoba) liste tous les comptes bancaires ouverts en France : comptes courants, comptes d’épargne, comptes titres, etc. Il indique les opérations d’ouverture, de modification et de clôture d’un compte, en précisant diverses informations notamment sur les titulaires. De même, en matière de contrats de capitalisation et d’assurance- vie, le législateur 53 depuis le 1 er janvier 2014, a institué à la charge des organismes d’assurance une obligation de déclaration des contrats détenus en France et de leur encours. Cette obligation s’est traduite par la création d’un traitement au- tomatisé de données à caractère personnel de gestion du fichier des contrats de capitalisation et d’assurance-vie dénommé « Fico- vie » . Depuis un arrêté du 5 janvier 2017, les notaires ont accès à ce fichier. Notons d’ailleurs que des cryptomonnaies peuvent être le support d’un contrat d’assurance-vie 54 . 50 - La consultation de ces fichiers, tant Ficoba que Ficovie, ne permettra pas de recenser l’existence d’actifs virtuels dans le patri- moine du défunt. Comme vu précédemment, les actifs numériques doivent en principe être déclarés à l’administration fiscale ce qui devrait, au moins en théorie, faciliter leur recensement. Mais l’obligation déclarative ne s’impose ni aux plateformes d’échange, qui peuvent détenir des portefeuilles de monnaies virtuelles, ni aux différentes blockchains sur lesquelles sont émis les actifs numériques. Rappe- lons que même si les transactions sont publiques, elles sont pseu- donymes et ne permettent pas en théorie de faire le lien entre une adresse et une personne. De plus, il n’existe aucun registre comparable pour ces actifs. Ainsi, seule la connaissance par les héritiers de ce type d’actifs par suite de la divulgation qu’en aura fait le défunt de son vivant permet d’en assurer le recensement. À défaut, les actifs eux-mêmes avec la valeur qu’ils représentent risquent d’être définitivement perdus 55 . 53 L. fin. rect. 2013, n° 2013-1279, 29 déc. 2013, art. 10 : JO 30 déc. 2013. 54 Du bitcoin dans les contrats d’assurance-vie ? Depuis la loi Pacte précitée du 22 mai 2019, les assureurs peuvent désormais proposer des contrats d’assu- rance-vie comprenant des cryptoactifs via des fonds professionnels spécia- lisés. La détention directe de bitcoins en unités de compte dans un contrat d’assurance-vie n’est pas encore possible. L’article 72 de la loi Pacte prévoit la possibilité, pour les gestionnaires de contrats d’assurance-vie, de propo- ser à leurs clients d’investir des unités de compte dans des parts de fonds professionnels, y compris les fonds professionnels de capital investissement (FPCI) et les fonds professionnels spécialisés (FPS). L’article 88 de la loi Pacte permet par ailleurs à ces FPS d’investir dans des actifs numériques, des tokens ou des cryptomonnaies. Les FPCI peuvent également investir en actifs numériques dès lors qu’ils ne dépassent pas 20 % de l’actif. La combinaison de ces deux articles a pour effet de permettre la détention de cryptoactifs dans les contrats d’assurance-vie par l’intermédiaire de sup- ports spécialisés. 55 Sur le risque de disparition des actifs numériques au décès de leur titulaire, V. Rapp. 117 e Congrès des notaires de France 2021, Le Numérique, l’Homme et le Droit, Accompagner et sécuriser la révolution digitale, n° 2854. 2° Le risque de disparition au décès ou le bon réflexe du recensement 51 - Il conviendrait donc idéalement que chacun établisse de son vivant un inventaire de son patrimoine numérique qui permettra de porter à la connaissance des héritiers et/ou du notaire chargé de liquider la succession, la liste des différents actifs numériques qui peuvent constituer au sens large le patrimoine virtuel d’une personne (musique, films, photos, compte de cryptomonnaies, sites web, nom de domaine, abonnements, logiciels, livres numé- riques, etc.). Cet inventaire numérique pourrait parfaitement s’in- tégrer dans un bilan patrimonial global ayant vocation à identifier l’ensemble des biens matériels traditionnels (comptes bancaires, valeurs mobilières, biens immobiliers, etc.) et immatériels d’une personne, à l’image de celui proposé par la chambre des notaires du Québec. La solution à privilégier pour avoir l’assurance que les actifs im- matériels seront bien transmis consiste à prévenir ses proches de l’existence de ces actifs et indiquer par testament à quelle personne ils doivent être transmis. B. - Transmission par testament 52 - Dans le cadre d’une transmission organisée, et au regard des différentes modalités de détention des actifs numériques 56 , il convient tout d’abord de s’interroger sur les difficultés liées à l’objet du legs avant d’envisager la forme testamentaire la mieux adaptée pour en assurer l’exécution. 1° Les difficultés liées à l’objet du legs 53 - Les clés de déchiffrement, une composante intrinsèque de l’actif numérique légué. – L’objet d’un legs doit être de nature patrimoniale. A priori , toute chose dans le commerce peut faire l’objet d’un legs et les différents actifs numériques n’échappent pas à cette règle. La particularité du legs d’actifs numérique ne tient donc pas aux actifs eux-mêmes 57 mais à la manière dont ils sont détenus, car en matière de transfert d’actifs numériques, il n’existe pas d’intermé- diaire, telle une banque, qui détiendrait les avoirs et pourrait les remettre au légataire désigné. Il ne suffira donc pas de léguer les actifs numériques eux-mêmes, il faudra également laisser au légataire des instructions liées aux clés de déchiffrement associées à la détention de ces actifs. Autre- ment dit, les clés de déchiffrement ne peuvent pas être léguées dis- tinctement des actifs numériques et constituent une composante 56 V. Rapp. 117 e Congrès des notaires de France 2021, Le Numérique, l’Homme et le Droit, Accompagner et sécuriser la révolution digitale, n° 2809 et s. 57 Il convient ici d’observer que les cryptomonnaies, comme le bitcoin, n’étant pas assimilées à des sommes d’argent, leur legs ne constitue pas un passif de succes- sion grevant potentiellement l’ensemble de l’actif successoral (C. civ., art. 785, al. 2). En ce sens : M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. 2018, étude 19.

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