La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere
1360 ÉTUDE DOSSIER Page 72 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 tenus par le cédant et les différents membres du foyer fiscal avant de procéder à la cession. En matière d’actifs numériques, le calcul de la plus ou moins-value doit être réalisé pour chaque cession. La conséquence de ce calcul systématique est qu’en cas de cessions successives, il convient de minorer le prix total d’acquisition de la fraction de capital initial déduite lors de la précédente cession. À la fin de l’année, il y a donc lieu d’additionner l’ensemble des plus- values et moins-values pour déterminer la plus ou moins-value globale. La plus-value nette ainsi dégagée est alors soumise à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (CGI, art. 200 C) ainsi qu’aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global de 17,2 % 8 . Une fois le montant de l’impôt déterminé, le décret n° 2019-656 du 27 juin 2019 a précisé les modalités de déclaration et de paie- ment. Ainsi, depuis 2020, il y a lieu de déclarer, pour la première fois dans les revenus de l’année 2019, les gains réalisés en cas de cession d’actifs numériques. b) Le risque d’évasion fiscale 10 - Même si le législateur a déterminé précisément les modali- tés d’imposition, en pratique le risque d’évasion fiscale demeure présent. En effet l’Administration se heurte à de nombreuses difficultés dans le contrôle du respect des obligations déclaratives. De plus, en l’état actuel des dispositions législatives et des commentaires de l’Administration, le contribuable dispose d’outils juridiques per- mettant l’optimisation de ces transmissions. 11 - Difficultés dans le contrôle du respect des obligations décla- ratives. – La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 a modifié l’article 1649 bis C du CGI (CGI, art. 1649 bis C) en créant l’obli- gation pour les personnes physiques, les associations, les socié- tés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de reve- nus ou de résultats, les références des comptes d’actifs numériques mentionnés à l’article 150 VH bis du CGI ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger. Le non-respect de cette obligation entraîne des sanctions finan- cières (amende de 750 € par compte non déclaré ou de 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par décla- ration. Quand la valeur vénale dudit compte est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année concernée, les mon- tants des amendes sont portés à 1 500 € par compte non déclaré et 250 € par omission ou inexactitude). 12 - Difficultés quant à l’identification. – Bien que les transactions de cryptomonnaies fassent l’objet d’un enregistrement sur une blockchain dont l’historique est librement consultable, celle-ci ne 8 Pour un ex. chiffré de calcul, V. Rapp. 117 e Congrès des notaires de France 2021, Le Numérique, l’Homme et le Droit, Accompagner et sécuriser la révolu- tion digitale, n° 2783. fait pas apparaître l’identité réelle des individus mais leur adresse, suite de chiffres et de lettres sans signification. Le fonctionnement même de la blockchain ne se prête donc pas à une identification directe des détenteurs d’actifs numériques. De plus, il existe des cryptomonnaies issues de blockchains tra- çables et d’autres de blockchains intraçables. Ces niveaux variables d’anonymat et de traçabilité vont compli- quer la tâche de l’administration fiscale pour faire respecter et sanctionner, le cas échéant, cette obligation de déclaration des comptes détenus à l’étranger. 13 - La loi relative à la lutte contre la fraude a par ailleurs aménagé, à compter du 1 er janvier 2019, le droit de communication de l’admi- nistration fiscale auprès des opérateurs de communications élec- troniques, des fournisseurs d’accès à internet et des fournisseurs d’hébergement 9 . Mais la détention des actifs numériques s’effec- tue le plus souvent par l’intermédiaire de plateformes établies à l’étranger et à l’encontre desquelles l’administration fiscale n’est pas aisément en mesure d’exercer son droit de communication. 14 - Les optimisations en cas de plus-value : la donation avant ces- sion. – Le prix d’acquisition pour déterminer la plus-value brute est, en cas d’acquisition à titre gratuit, la valeur qui a servi de base au calcul des droits de mutation. À l’instar de tout autre actif mobilier ou immobilier, la donation d’actifs numériques n’est pas un fait générateur de plus-value. Il est possible par conséquent d’effectuer une donation avant ces- sion afin d’éviter une éventuelle taxation au titre des plus-values sur cession d’actifs numériques 10 . Afin de ne pas encourir la sanction d’abus de droit, il sera néces- saire que la donation préalable d’actifs numériques ne soit pas fic- tive et comporte véritablement des effets civils et patrimoniaux. Notons que le comité consultatif pour la répression des abus de droit et la jurisprudence considèrent que lorsque la donation est réelle et antérieure à la cession, qu’elle participe d’une réelle inten- tion libérale et que les opérations successives ne conduisent pas à une réappropriation du prix par le donateur, l’Administration n’est pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit 11 . Enfin, il conviendra de rester vigilant au regard de la nouvelle procédure d’abus de droit fiscal instituée par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 12 . L’optimisation fiscale recherchée sera cependant atténuée par les modalités de calcul des plus-values qui tiennent compte de la plus-value latente de l’ensemble du portefeuille 13 . 9 L. n° 2018-898, 23 oct. 2018, art. 15, relative à la lutte contre la fraude : JO 24 oct. 2018. – LPF, art. L. 96 G. 10 P.-A. Conil, Le notaire ou l’heureuse rencontre du notariat traditionnel et des nouvelles technologies : JCP N 2018, n° 11, act. 302. 11 CE, 28 mai 2014, n° 359911. – CE, 9 avr. 2014, n° 353822 : JurisData n° 2014- 008219. – CAA Lyon, 7 nov. 2013, n° 12LY02321 : JurisData n° 2013-033913. 12 LPF, art. L. 64 A. 13 P. Fernoux, Revisitons le passé à l’aune du but principalement fiscal : Dr. fisc. 2019, n° 22, 279.
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