La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

1358 ÉTUDE DOSSIER Page 64 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 dée par le souci pour l’époux retraité et malade d’assurer sa situa- tion pécuniaire 29 , et éviter des travaux importants mettant en péril l’intérêt de la famille a été favorablement accueilli par le juge. B. - La sanction applicable à défaut de consentement 34 - L’action en nullité. – À défaut de respecter les dispositions de l’article 215, alinéa 3, les actes de disposition portant sur le loge- ment de la famille peuvent faire l’objet d’une action en nullité. Une fois la nullité prononcée, elle produit ses effets à l’égard de tous et anéantit l’acte. Cela signifie que les droits du (ou des tiers) contractant(s) disparaissent, même si ces derniers sont de bonne foi. Aucune clause pénale insérée dans l’acte de disposition et des- tinée à sanctionner l’inexécution du contrat ne peut produire d’ef- fet 30 . Cet effet erga omnes , c’est-à-dire à l’égard de tous, ne serait être confondu avec l’inopposabilité de l’acte. 35 - L’auteur de l’action en nullité. – L’action en nullité ne peut être diligentée qu’à l’initiative de l’époux dont le consentement fait défaut. S’agissant d’une nullité relative, cet époux est le seul à pou- voir agir en nullité. Par conséquent, l’époux propriétaire, auteur de la transmission ne peut pas, par regret ou commodité, utiliser ces dispositions pour agir lui-même en nullité 31 . 36 - Encore faut-il un intérêt à agir 32 . – Cette action en nullité est en effet une action finalisée, en ce qu’elle sert à la protection du logement de la famille. Pour obtenir l’annulation d’un acte de disposition affectant ce logement, l’époux dont le consentement fait défaut doit justifier d’un intérêt, un intérêt né et actuel. Ainsi lorsque le logement a perdu son affectation au jour de l’acte de disposition, l’action en nullité perdant sa raison d’être, l’action ne peut aboutir. 37 - Délais pour agir. – Sur un plan procédural, l’action en nullité contre les actes litigieux ne peut être intentée que dans l’année à partir du jour où l’époux dont le consentement fait défaut, a eu connaissance de l’acte litigieux, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. Les prescriptions figurant à l’alinéa 3 de l’article 215 renvoient à deux délais. Le premier est un délai de prescription , durant l’union, susceptible de suspension ou d’interruption. Quant au second, 29 Paris, 26 nov. 1991 : D. 1992, p. 27, 23 janv. 1991. 30 Cass. 1 re civ., 3 mars 2010, n° 08-18.947 : JurisData n° 2010-001121. – B. Va- reille, RTD civ. 2010, p. 367. 31 V. Larribeau-Terneyre, Rev. Dt de la Famille, mai 2010, p. 33 et 34 : AJ fam. 2010, p. 187. – Cass. 1 re civ., 3 mars 2010, n° 08-18.947 : JurisData n° 2010- 001121. 32 CPC, art. 31 : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». il s’agit d’un délai préfix , après l’union, et correspond à la date butoir de l’action. Il est quant à lui insusceptible de suspension. Ces délais s’appliquent non pas alternativement, mais cumulative- ment 33 . Autrement dit, un époux ne saurait prétendre à la receva- bilité de « l’action en nullité plus d’un an après le décès de son mari, tout en arguant le fait que cela faisait moins d’un an qu’il avait eu connaissance de l’acte litigieux signé par son époux » 34 . 38 - Combinaison de délais. – Lorsque le logement de la famille constitue un bien commun, la question se pose de savoir quel fon- dement juridique utiliser : les dispositions spécifiques au régime communautaire ou l’article 215. Sous le régime de la commu- nauté, les époux sont confrontés au domaine de la cogestion de l’article 1422 du Code civil. Dans une telle hypothèse le recours à l’article 1427 du Code civil permet une action en nullité lorsqu’un des époux a disposé seul d’un bien commun, laquelle est ouverte durant 2 années. Ce délai spécifique plus long que celui de l’ar- ticle 215, court à compter du jour où l’époux découvre l’acte frau- duleux, sans jamais pouvoir être intentée plus de 2 ans après la dissolution de la communauté. Un arrêt rendu en 2006 par la Haute Juridiction a tranché en fa- veur de l’utilisation exclusive de l’article 215, alinéa 3 35 . De même, pour prendre l’exemple d’un apport en société, si le conjoint de l’apporteur n’est pas intervenu dans les statuts ou dans l’acte de cession pour renoncer à sa qualité d’associé, il faudra alors vérifier s’il l’a fait dans un acte postérieur. À défaut, il pourrait : – soit revendiquer la qualité d’associé jusqu’à ce que son divorce soit devenu définitif sous réserve, toutefois, des clauses d’agré- ment stipulées dans les statuts qui lui seraient opposables ; – soit demander la nullité de l’apport s’il n’en avait pas été informé et s’il ne l’a pas ratifié postérieurement. Cette action en nullité devra être intentée dans les 2 ans à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte et au maximum dans les deux années qui suivent la dissolution de sa communauté (V. C. civ., art. 1832-2, al. 1, et art. 1427) . Le délai d’action est ramené à un an s’agissant spécifiquement des actions concernant l’apport du logement de la famille. Près de 58 % des Français sont propriétaires de leur logement. Le praticien est nécessairement confronté au régime dérogatoire institué par le régime primaire. Une attention prudente animera le praticien soucieux de conférer toute la sécurité juridique com- mandée par la réception des actes authentiques notariés. ■ 33 J. Massip, Délai de l’action en nullité d’un acte par lequel un époux a disposé du logement de la famille : JCP N 2012, n° 13, 1155. – Cass. 1 re civ., 12 janv. 2011, n° 09-15.631 : JurisData n° 2011-000145. 34 Cass. 1 re civ., 12 janv. 2011, n° 09-15.631 : JurisData n° 2011-000145 ; Dr. famille 2011, comm. 31, note V. Larribau-Terneyre. 35 Cass. 1 re civ., 14 nov. 2006, n° 05-19.402 : JurisData n° 2006-035886.

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