La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

1358 ÉTUDE DOSSIER Page 62 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 faite à un autre membre de l’indivision. La nécessité du consente- ment ne fait pas débat ici. Il existe cependant une situation dans laquelle la solution est moins nette. Celle de la demande en partage du logement indivis. L’attribution du bien étant gouvernée par le résultat du partage, les droits de l’époux peuvent ne pas être sauvegardés convenable- ment. De toute évidence, des précautions devront être prises. L’une est d’obtenir le consentement du conjoint lors de la demande en partage. L’autre, sans doute plus difficilement admissible par les coindivisaires, est de réserver un droit d’habitation à la charge de l’adjudicataire. On pourrait objecter une décision de 1978 qui avait décidé que le consentement du conjoint n’était pas nécessaire. Mais raison doit être gardée de conclure trop rapidement. Les circonstances de l’af- faire étant bien différentes. La demande émanait du créancier d’un mari caution solidaire pour garantir un emprunt consenti à une société dont il était associé en utilisant l’action oblique (C. civ., art. 815-17, al. 3) : fondée sur les dispositions de l’article 815- 17 du Code civil. Les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, mais ils ont toutefois la possibilité de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. La Cour de cassation a conclu que l’article 215, alinéa 3 ne peut pas être opposé au créancier personnel d’un indivisaire usant la faculté de provoquer le partage, en l’absence de toute allégation de fraude bien entendu 17 . La question était donc très circonstanciée et il semble bien imprudent de vouloir la généraliser aux autres demandes en partage. B. - Les actes de disposition à titre onéreux 17 - La simplicité apparente du dispositif de protection se retrouve- t-elle en matière d’actes à titre onéreux ? 18 - La vente du logement de la famille. – La vente du logement de la famille constituant un acte de disposition, nul doute n’est per- mis quant à l’application des dispositions protectrices prévues par le régime primaire. En revanche la question peut se poser s’agis- sant des situations suivantes. 19 - La vente avec réserve d’usufruit. – Lorsque la vente ne porte que sur la nue-propriété, le consentement de l’époux non proprié- taire est-il nécessaire ? Les juges du fond considèrent comme nous l’avons vu précédemment que la jouissance de ce logement étant par ailleurs préservée il n’est pas porté atteinte aux dispositions de l’article 215, alinéa 3 18 . En dehors de tout acte frauduleux, qui entraînerait une requalification de la vente en vente pure et simple annulable pour défaut d’accord du conjoint, l’article 215, alinéa 3 n’est pas applicable. 20 - La vente en viager. – La vente en viager n’est autre qu’une vente obéissant au droit commun notamment aux règles relatives 17 Cass. 1 re civ., 16 sept. 2020, n° 19-15.939 : JurisData n° 2020-013349. 18 TGI Paris, 16 déc. 1970 : Gaz. Pal. 1971, 1, p. 115. au consentement. La vente en viager peut porter sur la pleine pro- priété, mais également sur de la nue-propriété ou comprendre une réserve du droit d’usage et d’habitation. Dans ces cas, les règles déjà évoquées lui seront applicables. Dans la mesure où la jouis- sance du logement est assurée, le consentement du conjoint ne sera pas requis. 21 - La promesse de vente. – La promesse synallagmatique de vente ne pose aucun problème, à première vue. Elle a la nature d’un acte de disposition 19 entraînant l’application de l’article 215. Qu’en est-il de la promesse de vente avec report du transfert de propriété au jour de la signature de l’acte authentique ? La pro- messe de vente valant vente constitue bien un acte de disposition au sens de l’article 215. Il importe peu que la promesse prévoit un report du transfert de propriété au jour de la signature de l’acte authentique, dans la mesure où ce report n’est pas considéré par les parties à l’acte comme une condition essentielle et détermi- nante de leur consentement. Quant à la promesse unilatérale de vente : côté promettant, une promesse de vente s’analyse en un acte de disposition relevant de la cogestion conjugale. Le promettant est définitivement engagé et la vente est parfaite lors de la levée d’option du bénéficiaire. Il y a donc lieu d’appliquer les dispositions de l’article 215. La promesse d’achat n’est pas concernée par la problématique. Seul le futur acquéreur s’engage à acheter le logement dans l’hypo- thèse où le propriétaire consent à la vente. Ce n’est que lors de la rencontre des consentements que l’article 215, alinéa 3 trouvera à s’appliquer. 22 - Le mandat de vente. – Un mandat de vente portant sur le lo- gement de la famille requiert le consentement du conjoint sous peine d’être déclaré nul. La Cour de cassation s’est prononcée implicitement pour l’application du texte 20 . 23 - La vente du logement détenu par une société civile immobi- lière. – La vente du logement de la famille détenu par une SCI n’est pas concernée par les dispositions de l’article 215, alinéa 3. Du moins, tel est le principe. Lorsque la vente porte sur le logement occupé par l’un des associés en vertu d’une décision unanime des associés 21 ou en vertu d’un droit statutaire, la protection de l’ar- ticle 215, alinéa 3 retrouve son application. Le consentement des époux devra être obtenu 22 . 24 - L’apport en société du logement de la famille. – Lorsqu’il porte sur le logement de la famille, l’apport en société doit néces- sairement être autorisé par l’époux non propriétaire. Nous verrons que l’action en nullité contre un apport en contravention avec les dispositions de l’article 215, alinéa 3 fait l’objet de dispositions exclusives et particulières en matière de délai de prescription. 19 Cass. 1 re civ., 6 avr. 1994, n° 92-15.000 : JurisData n° 1994-001184. 20 Cass. 1 re civ., 13 avr. 1983, n° 82-11.121 : JurisData n° 1983-700946 ; Defré- nois 1983, art. 33158, p. 1340, obs. G. Champenois. 21 Dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du Code civil. 22 Cass. 1 re civ., 14 mars 2018, n° 17-16.482 : JurisData n° 2018-003607.

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