La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

1357 ÉTUDE DOSSIER Page 56 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 fiscaux des bénéficiaires de la transmission. Lorsque l’engagement collectif a été conclu suffisamment en amont, les donataires ou successeurs sont en effet astreints à une obligation de conservation plus courte. Ils sont tenus de poursuivre l’engagement collectif en cours uniquement pour sa période résiduelle. L’engagement indi- viduel de 4 ans souscrit lors de la transmission de conservation débute donc plus tôt. À rebours, lorsque l’associé décède sans avoir contracté de pacte d’associés, l’exonération s’applique par exception au moyen de la souscription d’un engagement collectif de conservation post mor- tem mais en imposant aux successeurs une obligation de conser- vation plus longue d’une durée totale de 6 ans. À suivre la nouvelle analyse de l’administration fiscale, cette incitation disparaîtrait dans les cas très nombreux où la fonction de direction ne serait pas assurée par le bénéficiaire de la transmission mais par un tiers : donateur ou autre signataire de l’engagement collectif. REMARQUE ➜ La précocité de la conclusion du pacte d’associés ne générerait plus d’avantages puisqu’en toute hypothèse, quelle que soit la période écoulée ante transmissionem , l’engage- ment collectif devrait également perdurer pendant les 3 an- nées suivant la transmission, reportant ainsi le point de départ de l’engagement individuel. 10 - On peut légitimement s’interroger sur les fondements d’une telle lecture du texte donnée par la nouvelle équipe de Bercy. Il semblerait qu’elle s’appuie sur la décision du Conseil constitu- tionnel ayant invalidé un premier dispositif d’exonération instau- ré par la loi de finances pour 1996 9 . Parmi les griefs retenus par les sages de la rue de Montpensier pour invalider ce dispositif figure en effet l’absence de nécessité pour les bénéficiaires de la trans- mission d’exercer une fonction dirigeante au sein de l’entreprise. Une telle justification est cependant datée. Le régime d’exonéra- tion actuellement en vigueur ne subordonne pas le bénéfice de l’exonération à l’exercice par le bénéficiaire de la transmission d’une fonction de direction. Depuis lors et précisément dans le cadre la réforme réalisée par la loi de finances pour 2019 que l’Administration est censée commenter, le Conseil constitutionnel a clairement énoncé – et des enseignements doivent sans doute être retirés de l’ordre d’énumération retenu – qu’en instaurant ce régime de faveur, le législateur a entendu « assurer la stabilité de l’actionnariat et la pérennité de l’entreprise » . 11 - Cette stabilité est justement assurée par le noyau dur d’asso- ciés que constituent les signataires de l’engagement collectif de conservation. Il est donc tout à fait cohérent que les transmissions réalisées par ces signataires bénéficient du régime de faveur sans qu’il soit nécessaire que ni l’auteur de la transmission ni son béné- ficiaire exercent une fonction de direction ou une activité profes- sionnelle principale au sein de l’entreprise. 9 Cons. const., 28 déc. 1995, n° 95-369 DC. – V. JCl. Enregistrement Traité, V° Successions, fasc. 68-5, n° 8, par Fr. Fruleux. 12 - On observera au demeurant que la nouvelle interprétation retenue par l’administration fiscale n’aurait pas pour conséquence d’empêcher l’application de l’exonération partielle aux transmis- sions intervenant en faveur de bénéficiaires n’exerçant aucune fonction dirigeante au sein de l’entreprise. C’est donc vainement que l’administration fiscale tenterait de se retrancher derrière cette décision pour justifier son revirement d’analyse. 13 - L’occasion nous a déjà été donnée de détailler les raisons pour lesquelles cette nouvelle lecture donnée par l’administration fis- cale nous semble contraire au texte et devrait être censurée si elle était maintenue, comme l’ont été ses commentaires antérieurs concernant la prépondérance des activités exercées par les socié- tés 10 qui étaient eux aussi vivement critiqués en doctrine 11 . Quoique puisse en dire l’administration fiscale, une telle lecture se situe clairement aux antipodes des objectifs poursuivis par le législateur dans le cadre de ce régime de faveur tels qu’ils ont été explicités par les sages de la rue de Montpensier dans sa décision rendue dans le cadre de la réforme réalisée par la loi de finances pour 2019. 14 - Il reste que même si la phase de consultation publique des nouveaux commentaires a expiré depuis plus de 6 mois, ces indica- tions contestables n’ont pour l’heure été ni rapportées ni annulées. Cette période transitoire est excessivement longue et le praticien doit une nouvelle fois s’accommoder des incertitudes induites. Les difficultés se polarisent sur la détermination de la durée de l’engagement collectif de conservation lorsque le bénéficiaire de la transmission n’exercera aucune fonction de direction ou acti- vité dans la société 12 . Elles nous semblent pouvoir être neutrali- sées sans altérer les intérêts des bénéficiaires de la transmission en adaptant la rédaction du pacte d’associés. 2. Des effets néfastes pouvant être neutralisés par une rédaction adaptée 15 - Il a pu être suggéré dans un tel contexte de rallonger doréna- vant d’emblée la durée de l’engagement collectif de conservation au-delà de sa durée minimale de 2 ans pour couvrir la période de 3 ans post-transmission. Ainsi, par exemple, le pacte d’associés conclu pour réaliser une transmission le jour même 13 serait dorénavant contracté pour une durée de 3 ans 14 . Un tel procédé n’est pas neutre. Il peut sembler excessif en ce qu’il obère d’emblée la situation des bénéficiaires 10 CE, 8 e et 3 e ch., 23 janv.2020, n° 435562. – V. Fr. Fruleux, Exonération Dutreil et activité mixte : Dr. fisc. 2020, n° 27, étude 291. 11 V. Fr. Fruleux, Application des critères de prépondérance des actifs détenus aux sociétés holdings animatrices : JCP N 2018, n° 17, 1176, p. 37. 12 La conservation par le donateur d’au moins une part ou action incluse dans le pacte d’associés peut aisément être gérée même si cette exigence semble injustifiée. 13 Ce qui, en soi, ne pose aucun problème. 14 V. not. sur ce point, P. Cenac et C. Peyroux, Pacte Dutreil : la maîtrise des engagements collectifs de conservation à la lumière de la nouvelle doctrine ad- ministrative : IP 4/2021, oct. 2021, 02.2, n° 43. Les auteurs sont toutefois plus

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