La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

ÉTUDE DOSSIER 1357 Page 55 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 - © LEXISNEXIS SA principale 1 ou fonction de direction éligible 2 au sein de la société. La fonction de direction ou l’activité professionnelle requise du- rant la phase d’engagement collectif et pendant les 3 ans suivant la transmission peut être exercée soit par un associé signataire de l’engagement collectif de conservation, soit par un bénéficiaire de la transmission (CGI, art. 787 B, d) . Fréquemment utilisée, cette faculté de transmettre des titres à un bénéficiaire n’étant pas au moins dans l’immédiat destiné à assurer la direction de l’entre- prise est précieuse pour atteindre les objectifs que le législateur a assigné à ce régime de faveur tels qu’ils ont été explicités par le Conseil constitutionnel lors de la dernière réforme du régime de faveur réalisée par la loi de finances pour 2019 3 . Elle assure la pé- rennité de l’entreprise en permettant d’anticiper la transmission au profit d’un donataire trop jeune ou inexpérimenté pour assurer immédiatement la direction de l’entreprise et en évitant à cette dernière de subir simultanément le choc de la modification de son actionnariat et de sa direction. 4 - Dans les groupes de sociétés, l’exercice de la fonction de di- rection par une personne morale permet à la fois de structurer le groupe et de supprimer les aléas résultant du décès du dirigeant, personne physique. L’objectif de stabilisation de l’actionnariat de l’entreprise recherché par le législateur est également atteint : un noyau stable d’actionnaires composé par les signataires de l’en- gagement collectif de conservation est ainsi constitué, qui porte durablement le capital de l’entreprise – ce qui favorise son déve- loppement – sans nécessairement devoir assurer la direction de la société. 5 - L’administration fiscale confirmait explicitement dans sa doc- trine qu’une fois les transmissions réalisées, la fonction de direc- tion ou activité professionnelle principale requise pouvait indif- féremment être exercée soit par un signataire de l’engagement collectif de conservation, soit par un bénéficiaire de la transmis- sion ; et ce sans aucune restriction 4 . Alors que cette exigence n’a nullement été affectée par la dernière réforme du régime de faveur que la mise à jour du BOFiP Impôts est censée commenter, elle a remis en cause cette possibilité parti- cipant de l’équilibre même du régime de faveur dans ses nouveaux commentaires publiés le 6 avril dernier rapportant sa doctrine antérieure 5 . 6 - La nouvelle doctrine administrative est beaucoup plus restric- tive et énonce que dorénavant une fois la transmissions réalisée : « un associé signataire de l’engagement [y compris le donateur] ne 1 Cette exigence concerne les sociétés dites « de personnes » visées aux ar- ticles 8 et 8 ter du CGI. 2 Cette condition concerne les sociétés dont les résultats sont imposables à l’IS de plein droit ou sur option, les fonctions concernées étant celles énu- mérées au 1° du 1 du III de l’article 975 du CGI. 3 Cons. const., 28 déc. 2018, n° 2018-777 DC, cons. 31 à 34. 4 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 6 avr. 2021, § 390. 5 V. Fr. Fruleux, Exonération Dutreil : mise à jour du BOFIP ou dénaturation du régime ? 1 re partie : JCP N 2021, n° 21, 1200 ; 2 e partie : JCP N 2021, n° 22, 1205. peut exercer l’activité professionnelle principale ou, le cas échéant, la fonction de direction dans la société que s’il continue de détenir des titres de cette société soumis à un engagement de conservation et demeure à ce titre associé d’un engagement collectif ou, le cas échéant, unilatéral de conservation. Dès lors que l’ensemble des titres soumis à engagement a été transmis, la direction de la société doit être assurée par l’un des héritiers, légataires ou donataires » 6 . 7 - L’infléchissement est double : – une fois la transmission réalisée, le donateur ne pourrait plus satisfaire à cette exigence s’il a transmis l’intégralité des titres compris dans l’engagement collectif de conservation, même si ce dernier est toujours en cours. Il lui faudrait, s’il entendait conti- nuer à remplir cette exigence pendant la période restant à courir de l’engagement collectif, conserver au moins une action ou part sociale comprise dans le pacte d’associés, exigence byzantine dont on ne perçoit pas en quoi elle se rattache aux objectifs poursuivis par le régime de faveur ; – une fois l’engagement collectif de conservation expiré, le dona- teur ou tout autre signataire de l’engagement collectif de conser- vation ne pourrait plus remplir la condition. La fonction de direction devrait alors nécessairement être assurée par l’un des bénéficiaires de la transmission. 8 - Ce revirement d’analyse remet en cause des schémas de transmission des plus courants. Notamment celui dans lequel le donateur anticipe la transmission de son entreprise au profit d’un donataire n’ayant pas vocation dans l’immédiat à la diriger et continue à exercer la direction de la société pendant les trois années suivant la transmission, y compris après que l’engagement collectif a expiré. Les transmissions émanant d’un associé « pas- sif » 7 au profit d’un bénéficiaire n’étant pas amené à diriger l’en- treprise dans lesquelles la fonction de direction post-transmission est assurée par un tiers signataire de l’engagement collectif sont également concernées par ce revirement. 9 - À l’instar des nouveaux commentaires relatifs aux sociétés in- terposées où l’on apprend que l’application de l’exonération aux titres détenus indirectement dans la société cible serait dorénavant conditionnée à la détention d’une participation directe dans cette société, on frise ici le contre-sens. La nouvelle équipe de Bercy l’ignore-telle ? 8 L’exonération « Dutreil » est destinée à inciter l’as- socié à souscrire précocement un pacte d’associés. Cette précocité est vertueuse. Elle stabilise l’actionnariat et conduit le signataire à s’interroger sur le devenir de la participation qu’il détient notam- ment pour le temps où il ne sera plus. Elle lui offre un avantage qui réside dans un raccourcissement de la durée des engagements 6 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20, 6 avr. 2021, § 395. 7 C’est-à-dire n’exerçant aucune fonction de direction ou activité profession- nelle au sein de l’entreprise. 8 La doctrine administrative atteste d’une inquiétante méconnaissance par l’ad- ministration fiscale des modalités de mise en œuvre de ce régime de faveur : V. déjà, s’agissant de l’apport des titres exonérés à une société holding de reprise, Fr. Fruleux, Engagements « Dutreil » : l’administration fiscale sait-elle com- ment s’opère un FBO ? : JCP N 2013, n° 38, 1223.

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