La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

ÉTUDE DOSSIER 1356 Page 53 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 - © LEXISNEXIS SA REMARQUE ➜ Une telle affectation des revenus personnels est tout simplement contraire à la logique d’un régime de séparation de biens ou de séparation des patrimoines 54 . Elle serait plus encore incohérente concernant des concubins. 34 - Alternative envisageable pour sortir de l’impasse. – Une telle évolution jurisprudentielle pourrait bien conduire à une im- passe, dont il faut trouver le moyen de sortir. On aperçoit ici une alternative. 35 - Soit l’on admet, finalement, que le financement de l’acquisition indivise d’un bien à usage familial ne relève pas de la contribution aux charges du mariage ou de la vie commune, et l’on permet à l’époux ou au partenaire solvens de bénéficier d’une créance, fon- dée, selon le cas, sur l’article 815-13 (créance contre l’indivision en cas de remboursement d’un emprunt, tenu pour une dépense de conservation juridique 55 ), sur l’article 1543 (créance entre époux) ou sur l’article 515-7 (créance entre partenaires). Quant au concu- bin solvens , il ne pourra compter être indemnisé sur le fondement de l’article 815-13 ou 555 que dans les limites du champ d’applica- tion naturel de ces textes, au-delà desquelles le droit commun des obligations s’imposera. À noter qu’un correctif d’équité est prévu à l’article 815-13, tout comme un correctif de compensation l’est à l’article 515-7 in fine , permettant que la créance au profit du par- tenaire soit compensée avec les avantages que son titulaire a pu retirer de la vie commune, « notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante » . Ainsi, l’époux ou le partenaire solvens qui s’en 54 Entre époux, elle pourrait même couvrir l’équivalent d’un avantage matri- monial, échappant dangereusement néanmoins à l’action en retranchement, dès lors que, selon l’article 1527, alinéa 2, du Code civil, « les simples bénéfices résultant […] des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux des deux époux ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit ». Et l’on sait, par ailleurs, qu’entre partenaires d’un Pacs, aucune action en retranchement n’est prévue, si tant est que des avan- tages pacsimoniaux soient concevables : sur cette question, V. not. Ch. Goldie- Genicon, L’adaptation du régime par les partenaires : la question des amé- nagements conventionnels, in Le Pacs, 20 ans après : Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2020, p. 145 et s. 55 Sous réserve du parachèvement du revirement opéré par Cass. 1 re civ., 14 avr. 2021, n° 19-21.313 : JurisData n° 2021-005374 ; V. supra, n° 11. sera tenu, en cours de régime, à fournir un apport en capital pour financer l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, se déchargeant par ailleurs totalement ou presque sur son conjoint ou partenaire pour pourvoir aux charges courantes du mariage ou de la vie commune, pourra voir sa créance minorée. Reste qu’aucun correctif n’est d’emblée prévu à l’article 1543, lorsque la créance se fonde sur ce texte (dépense d’acquisition financée par un apport en capital). D’où l’intérêt pour les époux d’anticiper en prévoyant, par convention contraire, expressément réservée en cas de créance entre époux (C. civ., art. 1479, al. 2, auquel renvoie l’article 1543) , de recourir au correctif de compensation précité. 36 - Soit l’on considère, encore, par principe, que le financement de l’acquisition indivise d’un bien à usage familial relève de la contribution aux charges du mariage ou de la vie commune, et l’on tient, du moins, l’affectation des revenus auxdites charges comme une présomption simple, permettant à l’époux ou au par- tenaire solvens de rapporter la preuve contraire : il reviendra alors à ce dernier d’établir qu’en affectant ses revenus au financement de l’acquisition de tel bien à usage familial, il a en réalité excédé son obligation contributive, satisfaite par ailleurs de sa part, en sorte qu’il pourra obtenir créance. La même solution ne pourrait concerner que ceux des concubins qui auraient établi une conven- tion portant sur la répartition des charges de la vie commune (à défaut, une présomption d’affectation de leurs revenus auxdites charges n’aurait pas de raison d’être). Le tout sous réserve de solu- tions conventionnelles contraires qu’entendraient privilégier les époux, partenaires ou concubins. ■ L’essentiel à retenir • En cas d’acquisitions indivises de biens non affectés à l’usage familial, la logique de la théorie des impenses utiles ou néces- saires commande l’exclusion des dépenses d’acquisition du champ d’application de l’article 815-13 du Code civil. La Cour de cassation vient d’en prendre acte pour les dépenses d’acquisition financées par un apport de deniers personnels : la référence aux créances conjugales, à l’exclusion des créances contre l’indivision, laisse alors les concubins à l’écart du mécanisme de la dette de valeur. • En cas d’acquisitions indivises de biens affectés à l’usage fami- lial, la logique de la séparation de biens se heurte à l’obligation de contribuer aux charges du mariage ou de la vie commune, sans que, pour autant, ne soit encore installé un droit commun de l’acquisition en couple. Et si la Cour de cassation vient d’exclure l’apport en capi- tal du champ de la contribution aux charges du mariage, laissant alors place aux créances conjugales, l’on ne saurait admettre, pour autant, une affectation des revenus auxdites charges.

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