La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere
ÉTUDE DOSSIER 1356 Page 51 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 - © LEXISNEXIS SA des charges du mariage qu’ils décideraient de stipuler, sans qu’il faille y voir un obstacle dans l’article 1356 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant notamment réforme de la preuve des obligations 42 . 26 - Mais comment procéder lorsque les époux ont déjà adopté par contrat de mariage le régime de la séparation de biens ? Théo- riquement, un accord contributif entre eux pourrait survenir en cours d’union, sans nécessairement être soumis au formalisme d’une modification de régime matrimonial, telle que prévue à l’ar- ticle 1397 du Code civil. En effet, la Cour de cassation considère de longue date que « l’engagement librement pris par un époux et accepté par l’autre, en dehors du contrat de mariage, pour détermi- ner la contribution aux charges du ménage, est valable » 43 . Toute- fois, il importe qu’un tel accord ne contredise pas les stipulations du contrat de mariage. Dès lors, si la clause recouvrant une pré- somption d’acquittement au jour le jour des charges du mariage a été stipulée, il faudrait reconnaître à la convention subséquente un caractère interprétatif de ladite clause, afin de conférer à la pré- somption en découlant un caractère simple, là où elle pourrait être tenue pour irréfragable. Compte tenu du risque d’inefficacité de la convention, quoique valable en la forme, on ne peut que suggérer aux époux de modifier leur régime matrimonial selon la procé- dure prescrite à l’article 1397. Celle-ci s’impose d’ailleurs avec évi- dence s’il s’agit de remettre en cause les prévisions du contrat de mariage ou plus encore de supprimer la clause précitée. 27 - Par ailleurs, dans l’hypothèse où rien n’aurait été prévu au contrat de mariage, en sorte que les époux devraient contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives selon les dispositions supplétives de l’article 214, l’inscription d’un accord tendant à exclure tout recours contributif dans l’acte d’acquisition suscite le doute. Elle reviendrait à aménager un îlot communautaire circonscrit au logement familial (ou, plus large- ment, à un bien à usage familial) qui serait tenu pour leur appar- tenir indivisément à chacun pour moitié, malgré la disparité de leur quote-part de financement, à l’image de ce que permet, entre époux séparés de biens, l’annexion à leur régime d’une société d’acquêts à objet limité. Stipulé dans l’acte d’acquisition, un tel aménagement des règles de propriété par simple expression d’une volonté conjugale en cours d’union apparaît contraire à l’immu- tabilité (ou à la mutabilité contrôlée) du régime matrimonial 44 . 42 Sans doute l’article 1356 du Code civil précise-t-il, en son alinéa 2, que les contrats sur la preuve « ne peuvent […] établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable ». Mais tel ne semble pas être le cas d’une pré- somption ayant vocation à profiter à l’un comme à l’autre époux. – Comp. néanmoins avec I. Khayat, Les conventions sur la preuve en matière de contri- bution aux charges du mariage : Defrénois 11 avr. 2019, art. 146r2, p. 17 et s. – V. encore les réserves exprimées par Ch. Goldie-Genicon, in Le financement du logement de la famille ou les prémisses d’un droit commun du couple : D. 2021, p. 668 et s., spéc. p. 675. 43 V. Cass. 1 re civ., 3 févr. 1987, n° 84-14.612 : JurisData n° 1987-000165. 44 V. déjà en ce sens A. Karm, Financement du logement de la famille et contribu- tion des époux séparés de biens aux charges du mariage, in Mél. R. Le Guidec : LexisNexis, 2014, p. 89 et s., spéc. n° 9. En revanche, l’accord tendant à aménager, dans l’acte d’acqui- sition, un recours contributif au profit de l’époux solvens paraît concevable : en cas de contestation, et en supposant que le finan- cement d’un bien à usage familial n’ait pas été exclu du champ de la contribution aux charges du mariage, ce serait alors au conjoint d’établir qu’en finançant principalement, voire exclusivement, l’opération, le prétendu solvens n’a fait, en réalité, qu’exécuter son obligation contributive. 28 - Limites des accords contributifs entre partenaires d’un Pacs. – Entre partenaires d’un Pacs, ayant par hypothèse opté pour le régime de séparation des patrimoines 45 , le recours à l’anticipa- tion semble pareillement se concevoir au temps de la conclusion de la convention initiale de Pacs ou bien à la faveur d’une conven- tion modificative. Néanmoins, l’inscription d’un accord tendant à l’exclusion de tout recours contributif dans l’acte d’acquisition suscite le doute : elle reviendrait à permettre aux partenaires sé- parés de biens d’aménager un îlot communautaire circonscrit au logement (ou, plus largement, à un bien à usage familial), telle une société d’acquêts à objet limité, laquelle n’est néanmoins permise qu’entre époux, vis-à-vis desquels s’appliquent alors les règles du régime de communauté (on se demande bien quelles règles d’ins- piration communautaire pourraient régir cette société d’acquêts entre partenaires). Au contraire, un accord tendant à ménager, dans l’acte d’acquisition, un recours contributif au profit du par- tenaire solvens paraît concevable ; en cas de contestation, et en supposant que le financement d’un bien à usage familial n’ait pas été exclu du champ de l’aide matérielle réciproque, ce serait alors à l’autre partenaire d’établir qu’en finançant principalement, voire exclusivement, l’opération, le prétendu solvens n’a fait en réalité qu’exécuter son obligation contributive 46 . 29 - Limites des accords contributifs entre concubins. – Entre concubins, enfin, à défaut de toute convention de concubinage requise au seuil de l’union libre, la question de sa modification ne se pose pas ; un accord contributif ne pourrait être établi qu’en cours d’union, spécialement dans l’acte d’acquisition. À nouveau, l’inscription, en un tel acte, d’un accord tendant à l’exclusion de tout recours contributif suscite le doute, sauf à admettre l’équi- valent d’une société d’acquêts à objet limité dont on ne voit pas quel en serait le régime entre concubins. Quant à l’accord tendant à ménager un recours contributif au concubin solvens , il convien- 45 En cas d’indivision conventionnelle des acquêts, les biens acquis par les par- tenaires à compter de l’enregistrement de la convention sont « réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale » (C. civ., art. 515-5-1. – V. toutefois C. civ., art. 515-5-2 in fine). 46 V. en ce sens B. Barthelet et Ch. Guilloteau-Palisse, Partenaires et acquisition indivise, vie commune et remboursement du prêt : une dépense courante ! : JCP N 2021, n° 14, 1150, p. 41 et s., spéc. p. 44. – Comp. avec St. David, Les contours de l’aide matérielle entre partenaires de Pacs : Solution Notaire Hebdo 17 juin 2021, n° 20, inf. 12, p. 15 et s., spéc. p. 19, lequel incite les par- tenaires à prévoir dans l’acte d’acquisition les solutions liquidatives et estimant alors que deux facultés s’offrent à eux, selon qu’ils estiment qu’une sur-contri- bution donnera lieu ou non à reddition de comptes lors de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
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