La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere
1356 ÉTUDE DOSSIER Page 50 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 telle clause que la preuve d’une sur-contribution se conçoit, ou- vrant alors une perspective de créance. Sans doute exceptionnelle entre époux séparés de biens, l’hypothèse de l’absence de la clause litigieuse apparaît, au contraire, fréquente entre partenaires de Pacs aussi bien qu’entre concubins ; d’où une extension mesurée, à leur égard, de la solution restrictive énoncée entre époux. 23 - Extension de l’exclusion d’une créance au profit du parte- naire de Pacs ou du concubin solvens ; absence de clause empor- tant présomption d’acquittement au jour le jour des charges de la vie commune ; charge de la preuve d’une sur-contribution. – Une jurisprudence bien établie permettait, naguère encore, au concu- bin solvens d’obtenir d’être indemnisé sur le fondement de l’ar- ticle 555 du Code civil pour les sommes dépensées par lui à une construction édifiée sur le terrain de l’autre concubin et conservée par ce dernier 36 . Pourtant, à la faveur d’un arrêt en date du 2 sep- tembre 2020 37 , la première chambre civile de la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir considéré qu’un concubin avait participé au financement des travaux et de l’immeuble de sa compagne au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante, et non en qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l’article 555, de sorte que les dépenses ainsi exposées devaient rester à sa charge. Au préalable, pourtant, la cour d’appel n’avait pas manqué de rappeler un principe traditionnel selon lequel « aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de convention contraire, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées » 38 . La solution retenue repose donc sur l’étonnante découverte par les juges du fond d’un accord tacite contraire entre concubins quant aux charges de leur vie commune 39 . REMARQUE ➜ Il est néanmoins significatif que la Cour de cassation ait pris soin de vérifier la démonstration par les juges du fond de l’absence d’excès dans la contribution du concubin deman- deur aux charges de la vie commune, laissant ainsi entendre, a contrario , qu’une indemnisation du concubin se conçoit en cas de preuve par ce dernier d’une sur-contribution : l’admissibilité d’une telle preuve procède précisément de l’absence, entre concubins, d’une clause type, telle que celle fréquemment sti- pulée au contrat de mariage des époux séparés de biens. levé que « celui-ci ne démontre pas que sa participation ait excédé ses facultés contributives ». 36 V. not. Cass. 3 e civ., 2 oct. 2002, n° 01-00.002. – Cass. 3 e civ., 29 avr. 2009, n° 08-11.431 : JurisData n° 009-047967. – Cass. 1 re civ., 15 juin 2017, n° 16- 14.039 : JurisData n° 2017-011762. 37 V. Cass. 1 re civ., 2 sept. 2020, n° 19-10.477 : JurisData n° 2020-012469 ; JCP N 2020, n° 38, act. 755, note Fl. Gasnier ; JCP G 2020, 1233, n° 3, obs. H. Péri- net-Marquet. 38 V. déjà en ce sens, Cass. 1 re civ., 31 janv. 2006, n° 02-19.277 : JurisData n° 2006-031967. – Ou encore Cass. 1 re civ., 19 déc. 2018, n° 18-12.311 : Juris- Data n° 2018-023841. 39 Déduisant déjà du comportement des concubins une « volonté commune de partager les dépenses de la vie courante », V. Cass. 1 re civ., 7 févr. 2018, n° 17- 13.979 : JurisData n° 2018-005498. 24 - Dans la même mesure, la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 27 janvier 2021 40 , s’est récem- ment prononcée sur les contours de l’aide matérielle entre par- tenaires de Pacs. Contrairement aux concubins, et à l’image des époux, les partenaires sont astreints à une obligation légale de contribuer aux charges de la vie commune, visée à l’article 515-4 du Code civil : engagés à « une aide matérielle et une assistance ré- ciproques », les partenaires doivent s’acquitter d’une telle aide, s’ils n’en disposent autrement, proportionnellement à leurs facultés respectives. Or, dans l’espèce concernée, les juges du fond avaient pris soin de relever que les revenus du partenaire étaient quatre à cinq fois supérieurs à ceux de sa partenaire, tout en constatant que les revenus de cette dernière étaient notoirement insuffisants pour faire face à la moitié du règlement des échéances des em- prunts immobiliers souscrits à deux pour financer l’acquisition, en indivision, de leur résidence principale. Dans ce contexte, la première chambre civile a considéré que, « sans inverser la charge de la preuve » , la cour d’appel avait exactement déduit des circons- tances de fait que le partenaire, qui avait remboursé pendant près de 10 ans les sommes dues tant par lui que par sa compagne, s’était ainsi acquitté de l’aide matérielle légalement exigée en proportion de ses facultés contributives, et ne pouvait, dès lors, prétendre bé- néficier d’une créance à ce titre. REMARQUE ➜ Là encore, si la preuve d’une sur-contribution est impli- citement réservée – et la charge de la preuve pèserait alors sur le partenaire prétendant à indemnisation – c’est que, contrairement à une pratique fréquente entre époux, aucune clause emportant présomption d’acquittement au jour le jour des charges de la vie commune n’avait été stipulée entre partenaires. En somme, l’exclusion d’une créance pour sur-contribution aux charges de la vie commune apparaît plus aléatoire entre partenaires ou concubins qu’entre époux ; pour les uns et les autres, en tout cas, la sécurité juridique passe par l’anticipa- tion, autant que possible du moins. 25 - Incitation des époux, partenaires de Pacs et concubins à anti- ciper la question d’un éventuel recours contributif ; limites des accords contributifs. – Pour éviter toute interprétation de volonté douteuse dans le contexte d’une clause type, il est évidemment préférable que les époux anticipent en exprimant clairement leur volonté au contrat de mariage 41 . Libre ainsi à eux de se pronon- cer sur le périmètre de l’obligation de contribuer aux charges du mariage, en y incluant ou non les dépenses afférentes au logement de la famille, à la résidence secondaire voire à tout immeuble à usage familial ; libre à eux encore de conférer un caractère simple ou irréfragable à la présomption d’acquittement au jour le jour 40 V. Cass. 1 re civ., 27 janv. 2021, n° 19-26.140 : JurisData n° 2021-000808 ; JCP N 2021, n° 14, 1150, note B. Barthelet et Ch. Guilloteau-Palisse ; Solution Notaire Hebdo 17 juin 2021, n° 20, inf. 12, p. 15 et s., par St. David. 41 V. not. G. Champenois et N. Couzigou-Suhas, Contrat de mariage, charges du mariage et acquisitions indivises : Defrénois 15 avr. 2015, art. 119g4, p. 367 et s.
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