La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere
1355 ÉTUDE DOSSIER Page 42 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 de biens à un époux s’analyse nécessairement en une libéralité 29 , l’attribution de faveur au survivant des époux passe nécessaire- ment par la constitution d’une société d’acquêts 30 . On pense tout d’abord classiquement à la clause de préciput par laquelle un époux est autorisé à prélever tel ou tel bien, dans les conditions de l’article 1515 du Code civil. Simple faculté que l’époux est libre d’exercer, une partie de la doctrine l’assimile à une opération de partage 31 dont l’effet serait de rendre exigible le droit de partage prévu par l’article 748 du CGI mais, cette opinion est fortement discutée 32 . REMARQUE ➜ Si les époux décident d’adjoindre une clause de pré- ciput à un bien indivis entre eux par moitié, une modification du régime matrimonial sera nécessaire sur le fondement de l’article 1397 du Code civil mais, aucune formalité de publicité foncière ne sera requise, les proportions de propriété demeu- rant inchangées 33 . 15 - Les époux peuvent aussi prévoir une clause d’attribution inté- grale des acquêts au profit du survivant en souhaitant y adosser des modalités de liquidation alternative, soit selon des critères pré- déterminés (âge du bénéficiaire ou encore niveau de ressources et de besoins de ce dernier) 34 , soit selon une option entre se faire attribuer la pleine propriété des biens ou seulement l’usufruit, voire ne rien revendiquer. En faveur de cette solution, on fait va- loir qu’elle n’est pas contraire à l’unicité du régime matrimonial et qu’elle constituerait une simple modalité de liquidation du régime matrimonial 35 au même titre que la clause de reprise des apports, prévue à l’article 265 du Code civil. Toutefois, une doctrine importante estime, qu’à la différence de la clause de préciput, la clause d’attribution intégrale opère immé- diatement et n’est ni optionnelle, ni susceptible de cantonnement, en l’état actuel des textes du moins 36 . Cet avantage participant d’une convention entre époux serait définitif à la dissolution du 29 En ce sens, F. Terré et Ph. Simler, Les régimes matrimoniaux, n° 729. – Égale- ment, I. Dauriac, Choisir la société d’acquêts pour l’avantage matrimonial ? : Defrénois 2012, n° 111f1. 30 V. not. J.-L. Fillette, À propos des récentes tentatives de résurrection de la sépa- ration de biens avec société d’acquêts : Defrénois 1996, n° 36369, p. 897 et s. – Également R. Brochard, Le renouveau du régime de séparation de biens avec société d’acquêts : Bull. Cridon Ouest, janv. 1998, n° 64. 31 JCl. Civil Code, Art. 1515 à 1519, fasc. unique : communauté conventionnelle, Préciput, par A. Lamboley. 32 V. C. Brenner, S. Gonsard, A. Bouquemont, Non, le préciput n’est pas soumis aux droits de partage : JCP N 2020, n° 29, 1161, p. 43. 33 V. Rieg et Lotz, Technique des régimes matrimoniaux : 3 e éd., 1993, n° 203, rappelant que la publicité foncière n’est requise que s’il y a mutation de pro- priété ou constitution de droits réels immobiliers ou encore constatation d’une restriction au droit de disposer. 34 F. Collard, préc., spéc. n° 20 et s. 35 V. Dalloz Action, Droit patrimonial de la famille, anc. éd., n° 1096, par F. Lucet ; repris par G. Bonnet, éd. 2018-2019, n° 151-72. 36 V. I. Dauriac, Choisir la société d’acquêts pour l’avantage matrimonial ? : Defrénois 2012, n° 111f1, en particulier n° 8. – Les Cridon de Paris et de Lyon se montrant également réservés sur la possibilité de stipuler une clause d’attri- bution intégrale de communauté optionnelle. mariage et une renonciation au bénéfice de la clause serait alors translative, à l’égard de ceux à qui elle profite. Quelle que soit la nature des aménagements au profit d’un époux, leur mise en œuvre soulève immanquablement la question de leur qualification d’avantage matrimonial. B. - Le traitement réservé aux avantages matrimoniaux 16 - Application de la notion d’avantage matrimonial à la société d’acquêts. – Même si l’article 1527 du Code civil ne les envisagent que sous la communauté, l’existence d’avantages matrimoniaux dans une société d’acquêts a été récemment consacrée par la Cour de cassation 37 . 17 - Les stipulations non constitutives d’avantage matrimonial dans la société d’acquêts. – La société d’acquêts étant vue comme un îlot de communauté au sein d’un régime séparatiste, une clause qui restreint la composition de la société d’acquêts ne doit pas être vue comme un avantage matrimonial 38 . Ainsi, la clause d’exclu- sion des biens professionnels, qualifiée d’avantage matrimonial sous le régime de la participation aux acquêts 39 n’en constitue pas un, dans la société d’acquêts 40 . Il a été par ailleurs jugé que la clause de reprise des apports en cas de divorce ne confère à l’époux bénéficiaire aucun avantage matrimonial 41 . 18 - Les avantages matrimoniaux maintenus. – Il s’agit des avan- tages qui prennent effet pendant le mariage et qui confèrent un droit immédiat sur des biens du conjoint. L’apport d’un bien à la société d’acquêts en est l’illustration classique. Leur caractéris- tique principale est leur maintien en cas de divorce, conformé- ment aux termes de l’article 265 du Code civil. 19 - Les avantages matrimoniaux normalement révoqués. – Sont concernés les avantages en faveur d’un époux mais qui prennent effet à la dissolution de la société d’acquêts. Sont ici visés pour l’essentiel les aménagements conventionnels du droit à récom- pense et l’ensemble des clauses de préciput, de partage inégal ou d’attribution intégrale de la société d’acquêts 42 . En revanche, le partage par moitié des acquêts, constitués des seuls revenus des époux, mêmes inégaux, n’est pas constitutif d’avan- tage matrimonial. L’article 1527 du Code civil précise en effet que 37 Cass. 1 re civ., 29 nov. 2017, n° 16-29.056 : JurisData n° 2017-024283 ; JCP N 2018, n° 1, 1002, p. 35, note B. Beignier et F. Collard ; Defrénois 2018, n° 17, p. 41, note A. Chamoulaud-Trapiers. 38 V. sur cette question, les développements de P.-J. Claux et S. David, Droit et pratique du divorce : Dalloz, éd. 2022-2023, n° 231-32. 39 Cass. 1 re civ., 18 déc. 2019, n° 18-26.337 : JurisData n° 2019-023658. 40 En ce sens, H. Cathou, Question 5 : Quelle protection des biens professionnels en régime de séparation de biens avec société d’acquêts ? : JCP N 2020, n° 1-2, 1005, p. 42. 41 Cass. 1 re civ., 17 nov. 2010, n° 09-68.292 : JurisData n° 2010-021324. 42 V. P.-J. Claux et S. David, Droit et pratique du divorce : Dalloz, éd. 2022-2023, n° 231-32, pour des exemples.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=