La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

ÉTUDE DOSSIER 1355 Page 39 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 - © LEXISNEXIS SA 1. L’existence des acquêts à travers les transferts de biens et de valeurs constatés à la liquidation du régime matrimonial 4 - Présentation des enjeux. – La qualification des biens, bien per- sonnel ou acquêt de société peut être, dans certaines situations, reportée ou modifiée, lors de la liquidation du régime matrimo- nial. La portée de ces dispositions, au regard de leur validité doit être examinée. Le fonctionnement du régime pourra ensuite être l’occasion de transferts de valeurs entre les patrimoines qui vont justifier l’établissement de comptes de récompenses. A. - Examen de la validité des stipulations pouvant emporter modification dans la qualification des biens 5 - La libre composition de la société d’acquêts et ses tempéra- ments. – La liberté dans la composition et le fonctionnement de la société d’acquêts doit être conciliée avec les principes d’immuta- bilité et d’unicité du régime matrimonial tout comme la vigilance vis-à-vis de dispositions empreintes de potestativité. Plusieurs situations méritent ici une attention particulière. 6 - La qualification des biens reportée à la dissolution du régime matrimonial. – Il s’agit là de la société d’acquêts différée qui consiste à prévoir notamment que « seront réputés acquêts, les biens et droits acquis durant le mariage et par lesquels sera assu- ré le logement de la famille, au jour de la dissolution du régime matrimonial » . À travers cette disposition, la composition de la société d’acquêts ne paraît connue qu’à la dissolution du régime matrimonial. Une partie de la doctrine considère que cette stipulation crée une suc- cession de deux régimes, séparation de biens pendant le mariage puis, adjonction d’une société d’acquêts à sa dissolution, qui se- rait contraire au principe d’immutabilité et d’unicité des régimes matrimoniaux 6 . Elle poserait également la délicate question de la combinaison des droits des créanciers, les créanciers person- nels d’un époux se trouvant alors, à la dissolution du régime, en concours avec ceux du conjoint 7 . Compte tenu de ces critiques, le recours à cette stipulation est à déconseiller. REMARQUE ➜ Une opinion plus nuancée admet toutefois l’efficacité de la clause, en particulier lorsque le régime se dénoue par dé- 6 C. Le Martret, La société d’acquêts à objet restreint : un régime sur mesure à redécouvrir : Bull. Cridon Paris, 1 er -15 déc. 2013, n° 23, p. 10. 7 V. C. Brenner et B. Savouré, La société d’acquêts, in « Quelle association patri- moniale pour le couple ? » : Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2010. – Également : Ph. Simler, Régime juridique de la société d’acquêts adjointe à une séparation de biens : Defrénois 2012, n° 24, note 29, pour qui « le régime qui ne comprendrait aucun acquêt pendant sa durée ne mérite pas la qualification de société d’acquêts ». cès et, sous réserve que les droits des tiers soient bien entendu assurés 8 . En définitive, on pourrait estimer que le sort de ces stipulations doit être apprécié in concreto et à la dissolution du régime matrimonial. Au fond, lorsqu’un bien acquis pendant le mariage a conservé la même destination à sa dissolution et que les pro- portions de propriété entre époux ne sont pas modifiées, cette disposition ne devrait pas encourir la critique. 7 - La qualification des biens modifiée à la dissolution du régime matrimonial. – Est ici visé le changement d’affectation d’un bien intervenant en cours de régime. Ainsi, si le bien affecté au logement de la famille et dépendant à ce titre de la société d’acquêts perd cette qualification, alors qu’il a été financé par un époux seul, doit-on considérer, à la dissolution du régime, que ce bien sera alors personnel à cet époux ? Certains l’admettent 9 sous réserve de précautions. La doctrine majoritaire considère cependant, qu’au nom du principe d’immutabilité, il faut conclure, qu’une fois entré dans la société d’acquêts, le bien en fera définitivement partie, y compris s’il change de destination 10 . Quant au bien qui viendrait le remplacer, le seul fait qu’il soit dé- sormais utilisé comme logement de la famille ne semble pas suffire pour le qualifier d’acquêts. S’il est déjà détenu par un époux, il de- vrait conserver sa qualification de bien personnel. S’il s’agit d’un nouveau bien, acquis en cours de régime, il devrait alors intégrer la masse des acquêts 11 . 8 - Le sort de l’acquêt cédé en cours de régime – Le bien acquis en remplacement d’un acquêt a-t-il la même nature ? – Doit-on considérer, au contraire, qu’en l’absence de subrogation prévue dans la convention matrimoniale, le bien substitué à un acquêt n’en sera pas un ? La question peut être discutée, au même titre que la nécessité ou non, d’accomplir les formalités de remploi pour qu’un bien su- brogé à un bien personnel, soit lui-même personnel 12 . Ici, c’est au fond l’étendue de la société d’acquêts qui va permettre de détermi- ner les règles applicables 13 et, si elle est à titre universel, le remploi devrait s’imposer alors que, si elle est à titre particulier, le remploi devrait être facultatif 14 . 8 G. Champenois et J. Combret, Quelle place pour la société d’acquêts dans les régimes matrimoniaux : Defrénois, 30 déc. 2012, p. 1247, pour qui cette clause envisageable pour le cas de dissolution du régime par décès serait assimilable à une participation aux acquêts en nature. 9 V. sur cette question, R. Brochard, Le renouveau du régime de séparation de biens avec société d’acquêts : Bull. Cridon Ouest, janv. 1998, n° 64. 10 V. en ce sens not. C. Le Martret, La société d’acquêts à objet restreint : un régime sur mesure à redécouvrir : Bull. Cridon Paris, 1 er -15 déc. 2013, n° 23, p. 10. 11 V. Ph. Simler, Régime juridique de la société d’acquêts adjointe à une sépara- tion de biens : Defrénois 2012, n° 16 et s. 12 V. en faveur du respect des formalités de remploi, J.-L. Fillette, À propos des récentes tentatives de résurrection de la séparation de biens avec société d’ac- quêts : Defrénois 1996, n° 36369, p. 897 et s. 13 J.-M. Mathieu, La société d’acquêts : les précautions rédactionnelles – À la recherche d’un régime idéal : JCP N 2010, n° 51-52, 1383. 14 V. R. Brochard, Le renouveau du régime de séparation de biens avec société d’acquêts : Bull. Cridon Ouest, janv. 1998, n° 64.

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