La Semaine Juridique Notariale et Immobiliere

1353 ÉTUDE DOSSIER Page 28 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 51-52 - 24 DÉCEMBRE 2021 Répartition des prérogatives financières entre l’usufruitier et le nu-propriétaire de titres sociaux Ndlr : cette intervention a été conçue pour les Journées notariales du patrimoine 2021, dont les actes sont reproduits dans le présent numéro de la revue : JCP N 2021, n° 51-52, 1352-1361 . 1 - La répartition des prérogatives financières de titres sociaux dont la propriété est démembrée engendre un contentieux nourri, concernant les droits de l’usufruitier et du nu-propriétaire sur les résultats et les réserves distribués par la société. Aussi, avant d’aborder les questions fiscales liées au démembrement de titres sociaux, il convient de déterminer les règles de répartition des droits financiers entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. 1. La répartition des droits financiers entre l’usufruitier et le nu-propriétaire 2 - Définition des droits financiers. – Les bénéfices réalisés par une société sont distribués sous forme de dividendes ou mis en réserve. Les dividendes distribués par la société proviennent du résultat courant et du résultat exceptionnel, le premier résultant des activités normales et habituelles de la société, le second étant lié à des opérations ponctuelles. Il s’agit souvent de la vente d’un actif immobilisé. Les décisions de distribution de dividendes et de mise en réserve ordinaire de tout ou partie des bénéfices sociaux résultent nécessairement de décisions collectives des associés, prises aux termes d’assemblées générales dans lesquelles les droits de vote sont répartis entre l’usufruitier et le nu-propriétaire 1 . A. - Les dividendes 3 - Attribution des dividendes à l’usufruitier. – Les prérogatives pécuniaires attachées aux titres sociaux détenus en démembre- ment obéissent aux principes généraux régissant le droit des biens. De sorte que l’usufruitier a le droit de jouir de tous les fruits pro- duits par les titres (C. civ., art. 582) , les produits revenant au nu- propriétaire. Or, « les fruits sont les biens produits par un autre bien sans en altérer sa substance » 2 . Il en résulte que la substance des titres sociaux est la limite de ce que peut prélever l’usufruitier. Si la substance des titres est altérée, il s’agit d’un produit bénéficiant au nu-propriétaire. Or, les dividendes sont des fruits civils, cette posi- tion incontestable étant unanimement admise par la doctrine et la jurisprudence de longue date 3 . Ils reviennent ainsi à l’usufruitier, en l’absence de convention contraire. 4 - Date d’acquisition des dividendes. – Le droit aux dividendes n’est acquis qu’après l’approbation des comptes, la constatation 1 A. Bouquemont, Répartition des prérogatives politiques entre l’usufruitier et le nu-propriétaire de titres sociaux : Actes prat. strat. patrimoniale 2021, n° 1, dossier 6. 2 Zénati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 1998. 3 E. Thaller et J. Percerou, Traité élémentaire de droit commercial, n° 382. – P. Pic, Des sociétés commerciales, 2 e éd., t. II, n° 1179. – M. Planiol et G. Ri- pert, Traité pratique de droit civil français, Les biens, par M. Picard : LGDJ, 2 e éd., 1952, t. III, n° 777 et 791. – Laurent, Principes de droit civil français : t. VI, n° 402. – La jurisprudence considère également de longue date les dividendes comme des fruits : Cass. civ., 21 oct. 1931 : DP 1933, 1, p. 100, note P. Cor- donnier. – Cass. civ., 7 juill. 1941 : DH 1941, p. 370. – Cass. civ., 5 févr. 1890 : DP 1890, 1, p. 300 ; S. 1893, 1, p. 471. – Cass. com., 5 oct. 1999 : Bull. civ. IV, n° 163 ; D. 2000, p. 552, note G. Morris-Becquet ; Bull. Joly 1999, p. 1104, note A. Couret ; Dr. sociétés 2000, chron. 1, p. 4, note Th. Bonneau ; Defrénois 2000, p. 40, obs. P. Le Cannu ; RTD com. 2000, p. 138, obs. M. Storck. En présence de titres sociaux dont la propriété est démembrée, il convient de déterminer à qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire reviennent les bénéfices distribués. Les solutions diffèrent selon que ces distributions proviennent du résultat courant, du ré- sultat exceptionnel ou encore des réserves. Par ailleurs, la fiscalité n’étant pas toujours alignée avec les règles civiles, il est judicieux d’adapter les statuts afin d’éviter que celui qui ne perçoit rien paie néanmoins l’impôt. 1353 DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ Étude rédigée par : Antoine Bouquemont, notaire à Reims

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