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10 ASSURANCE-VIE L’assurance-vie est un placement indispensable pour ce- lui qui veut limiter les risques de saisie de ses actifs, et en particulier pour un chef d’entreprise sous forme sociétaire exposé au risque entrepreneurial. Le placement en assu- rance-vie peut être ainsi envisagé isolément pour la ges- tion de ses actifs financiers ou dans un montage d’OBO immobilier, lequel doit alors être pensé non seulement en tenant compte du reflux contemporain du principe d’insai- sissabilité des valeurs de l’assurance-vie mais également de la nécessité de limiter les risques d’abus de droit. 1. - En ces temps troublés, où le meilleur semble appartenir au passé, sécu- riser ses actifs est une préoccupation pour tous ceux qui ont pu acquérir un patrimoine. Cette sécurisation emprunte des formes diverses. Sécurisation de la valeur tout d’abord, essentielle dans un temps où les risques de sur- venance d’une crise majeure sont élevés. Se constituer un important patri- moine immobilier, voilà sans doute ce qui apparaissait hier encore, pour la plupart des Français, de ce point de vue, comme une sage décision. Mais les circonstances exceptionnelles que nous traversons et leurs effets à long terme vont sans doute remettre en cause cette opinion au moins pour les biens ordinaires, pour lesquels, en cas de resserrement des conditions de crédit, les potentiels acquéreurs vont devenir plus rares. En permettant un investissement sur des supports diversifiés, et un arbitrage sur des actifs sé- curisés, l’assurance-vie multi-supports permet à l’investisseur de disposer d’un investissement adapté à la crise. L’assurance-vie constitue donc un pla- cement permettant d’atteindre une garantie du capital et une sécurisation du patrimoine dans le temps, dans la mesure naturellement d’un choix opportun du contrat et de son allocation d’actifs, accompagné d’une gestion avisée de ces placements. Mais au-delà de la valeur, c’est le droit de propriété lui-même qui doit être protégé, et de ce point de vue l’assurance-vie apparaît également comme un instrument indispensable de sécurisation du patrimoine, en rai- son du principe d’insaisissabilité de sa valeur. Ce principe cependant connaît un reflux très important. Le droit contemporain de l’assurance-vie est en ef- fet marqué par un processus très fort de patrimonialisation qui fragilise le Ndlr : Publié in RFP 2021, étude 8 1. Bien évidemment, la valeur reçue par le bénéficiaire au dénouement du contrat est parfaitement saisissable, sauf à la réinvestir dans un autre contrat d’assurance vie. 2. Cass. 1re civ., 2 juill. 2002, n° 99-14.819 : JurisData n° 2002-015086. principe d’insaisissabilité, de plus en plus limité dans son application.Cette évolution, qui n’est sans doute pas encore achevée, doit guider les stratégies qu’il est possible de mettre en œuvre pour sécuriser les actifs. En effet, les montages les plus usuellement proposés, en particulier d’un chef d’entre- prise particulièrement exposé au risque entrepreneurial, repose sur un owner buy-out (OBO) immobilier, avec éventuellement donation de la nue-propriété des titres et réinvestissement du produit net de cession en tout ou partie en assurance-vie. Il convient donc d’adapter ces montages en tenant compte des limites du principe d’insaisissabilité des valeurs de l’assurance vie. 1. Insaisissabilité des valeurs de l’assurance- vie : un principe de plus en plus remis en cause 2. - L’un des plus importants avantages juridiques de l’assurance-vie est que la valeur du contrat non dénoué est en principe insaisissable par les créan- ciers du souscripteur 1 . Cette insaisissabilité n’est pas une règle de faveur, elle est une simple conséquence du caractère aléatoire de l’assurance-vie et, accessoirement de la stipulation pour autrui. En particulier, les primes versées par le débiteur ne peuvent pas être, sauf exception, saisies par son créan- cier, puisqu’elles sont définitivement aliénées pour financer la couverture du risque : l’assureur n’est pas en effet un dépositaire. Quant à la garantie vie, celle-ci ne constitue jusqu’à la réalisation du risque qu’un droit éventuel dans le patrimoine du souscripteur : ce caractère constitue en principe un obstacle à la saisie 2 . Quant à la garantie décès, le mécanisme de la stipulation pour autrui fait échec à toute tentative de saisie. 3. - Sans doute, s’agissant des contrats rachetables, la créance de rachat est saisissable, celle-ci étant pure et simple. Cependant, la conséquence du caractère aléatoire de l’assurance-vie est que celle-ci ne devrait prendre naissance qu’au jour de l’exercice par le souscripteur du droit de rachat : la créance de rachat est en effet une créance de résiliation du contrat. Saisir la créance de rachat suppose donc un exercice de ce droit. Or, solliciter l’assu- reur pour un rachat revient à diminuer volontairement la couverture du risque. Assurance-vie et sécurisation du patrimoine Étude par Michel Leroy, maître de conférences université de Toulouse-Capitole faculté de droit Institut de droit privé EA-1920 © Droits réservés

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