21ALLPB031

37 tandis que le règlement prévoit un cumul des statuts, l’agrément en qualité de PSFS s’imposant également aux opérateurs déjà agréés en une autre qua- lité 31 . Non sans paradoxe, les établissements de crédit et les entreprises d’in- vestissement, qui pouvaient jusque-là se livrer de plein droit à des activités relevant du financement participatif tout en bénéficiant d’une reconnaissance au niveau de l’Union, ne le pourront à l’avenir qu’en sollicitant un agrément supplémentaire. 16. - On peut encore imaginer l’apparition de plateformes plaçant aussi bien des titres financiers offerts au public que des jetons émis dans le cadre d’une ICO . Le droit français interdit un tel cumul aux CIP et aux IFP, dont les activi- tés sont strictement délimitées 32 , mais non aux PSI, qui peuvent également endosser la qualité de prestataire de services sur actifs numériques 33 . Même s’il n’est pas encore définitivement fixé, le droit européen semble sur ce point assez ouvert : le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 énonce que les PSFP « peuvent également exercer des activités autres que celles couvertes par [leur] agrément » , et le projet de règlement sur les crypto-actifs impose un agrément pour procéder au placement de jetons auprès du public 34 , mais sans en interdire le cumul avec un autre. 2. L’encadrement des opérations 17. - Dans sa conception originaire, le crowfunding ambitionnait de « reconstituer une sorte de système de financement bis qui ne serait pas centré sur les marchés financiers, mais sur les modalités de financement de l’entreprise » 35 . Autrement dit, c’est la levée de fonds qui importe, et non la circulation subséquente des actifs émis. Le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 prend quelques distances avec cette idée, car s’il régit le financement participatif essentiellement sous l’angle du marché primaire, il n’en appelle pas moins à l’émergence d’un marché secondaire. A. - Le marché primaire 18. - Le règlement (UE) 2020/1503 soumet le financement par prêt et par émission de valeurs mobilières à un régime commun. Après tout, ces deux modalités se rejoignent sur l’essentiel, dans la mesure où elles impliquent une forme d’ « appel public à l'épargne » et génèrent un risque disséminé entre une pluralité d’investisseurs 36 . Ce parti pris implique l’instauration d’un plafond commun calculé de manière globale, mais aussi la disparition des restrictions 31. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 12, 14. 32. C. mon. fin., art. L. 547-1, III, interdit toutes « autres activités » aux CIP, et les IFP ne peuvent exercer que certaines activités parmi lesquelles ne figurent pas les services sur actifs numériques (C. mon. fin., art. L. 548-2, III). 33. Ce cumul n’est pas prohibé par la loi, et l’AMF le juge possible (V. Questions-réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs numériques : DOC-2020-07, n° 2.2). 34. PE et Cons. UE, prop. de règl. sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937, 24 sept. 2020. – COM(2020)593 final, art. 71. – V. Th. Bonneau, Le « Digital finance package » : RD bancaire et fin. 2021, étude 1. 35. Th. Granier et N. Granier, Le financement participatif (crowdfunding), révélateur des limites actuelles du système bancaire et financier, Mél. Paul Le Cannu : Dalloz/Lextenso, 2014, p. 479. 36. Rappr. A. Gourio, La dissémination du risque résultant des dérogations récentes au monopole bancaire, Mél. J.-J. Daigre : Lextenso/Joly, 2017, p. 405, spéc. p. 409 : « l’intermédiation opérée par un intermédiaire en financement participatif (IFP) ne doit pas être confondue avec l’intermédiation bancaire. [...] Le risque de crédit est, dans ce système, porté par les prêteurs personnes physiques ». 37. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 1, 3, b. 38. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 21, 7. – Cette différence d’approche n’est pas sans précédent : le droit français interdit en principe les crédits immobiliers libellés en devise (C. consom., art. L. 313-64), tandis que le droit européen s’attache avant tout à la compréhension du risque par l’emprunteur (V. H. Synvet, Quelques observations sur le régime des prêts en devises aux particuliers, Mél. Bertrand Ancel : LGDJ/Iprolex, 2018, p. 1477, n° 20). 39. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 1, 2, c. 40. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2017/1129, 14 juin 2017, concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE, dit règlement Prospectus, art. 1, 3, al. 2 : JOUE n° L 168, 30 juin 2017, p. 12. – Pour un tableau complet des seuils retenus dans les différents États, V. ESMA, n° 31-62-1193, 23 oct. 2020. 41. Afin de ménager les États concernés, le règlement prévoit que les seuils nationaux inférieurs à 5 millions d’euros continuent de s’appliquer pendant 2 ans (art. 49). 42. L’article 46 du règlement du 7 octobre 2020 ajoute un k à l’article 1, 4 du règlement 2017/1129. qui frappent spécifiquement le crowdlending en droit français. Tandis que le Code monétaire et financier n’autorise l’octroi de prêts qu’aux « personnes physiques [...] agissant à des fins non professionnelles ou commerciales » (C. mon. fin., art. L. 511-6, 7°) , le règlement reconnaît cette possibilité à toute personne sans que les États membres ne puissent exiger un agrément quelconque 37 . De même le plafonnement des prêts à 2 000 euros par projet (C. mon. fin., art. D. 548-1) laisse place à un simple dispositif d’alerte au bénéfice des clients non professionnels qui s’apprêtent à réaliser un investis- sement excédant 1 000 euros ou 5 % de leur patrimoine 38 . 19. - Concernant l’émission de titres, le règlement marque un recul au plan strictement quantitatif, puisqu’il abaisse le plafond des offres de 8 millions d’euros actuellement (C. mon. fin., art. D. 411-2) à 5 millions d’euros 39 . Pour le comprendre, il faut rappeler que si le droit européen impose l’établissement d’un prospectus approuvé par le régulateur au-delà de 8 millions d’euros, il laisse aux États membres la possibilité de retenir un seuil plus bas, jusqu’à 1 million d’euros 40 . Partant de là, deux approches étaient concevables pour fixer le plafond du financement participatif : retenir le chiffre de 1 million d’eu- ros aurait assuré que nulle part les deux réglementations ne puissent se re- couper, mais ce montant eût été trop bas, et impropre à satisfaire les besoins des « jeunes pousses » en quête de capital ; retenir le chiffre de 8 millions d’euros eût garanti que toute offre dispensée de l’établissement d’un pros- pectus puisse relever du financement participatif, mais au prix d’une remise en cause indirecte du choix des États membres ayant retenu un seuil inférieur. C’est donc à titre de compromis qu’a finalement été retenue la somme de 5 millions d’euros 41 . 20. - Ce plafond n’a toutefois pas la même portée que celui fixé par les États membres quant à l’obligation d’établir un prospectus. Sous le seuil de 5 mil- lions d’euros, les offres de financement participatif sont exclues du règle- ment (UE) 2017/1129 42 , mais la faculté d’ exemption originellement prévue par celui-ci n’est pas remise en cause. Elle permettra toujours de réaliser, sans prospectus, des offres ne relevant pas du crowdfunding parce que leur montant est trop important ou parce qu’elles ne sont pas réalisées par l’in- termédiaire d’un PSFP. Au final, il existe donc deux seuils et trois régimes : 1° au-dessus de 8 millions d’euros, l’offre donne impérativement lieu à un prospectus visé par l’AMF ;2° entre 5 et 8 millions d’euros, l’offre pourrait po- tentiellement relever de l’exemption au règlement Prospectus et donner lieu à un « document d'information synthétique » (C. mon. fin., art. L. 411-2-1, 1° ;

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=