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CONTRATS ET PRODUITS FINANCIERS 36 pourtant été confiée aux CIP et non aux IFP 19 . Le droit français ne faisait pas ici figure de modèle et le législateur européen a préféré consacrer un sta- tut unique de « prestataire de service de financement participatif » , auquel répond une notion générale de « service de financement participatif » . Il est vrai que l’agrément doit préciser les services que le prestataire est autorisé à fournir 20 , ce qui implique que certaines plateformes pourraient limiter leur activité à la facilitation de l’octroi de prêt, et d’autres au placement de titres financiers. Leur qualité n’en sera pas moins identique, de la même manière que celle d’entreprise d’investissement est reconnue à des opérateurs agréés pour rendre des services différents. B. - La multiplication des statuts 11. - Pour élaborer une législation adaptée au crowdfunding , la France avait dû se contenter d’exploiter la marge de manœuvre que lui laissait la directive MIF 2. Celle-ci prévoyant une exemption au profit des personnes rendant uni- quement des services de conseil en investissement et de réception et trans- mission d’ordre (RTO) 21 , c’est sur cette base que fut élaborée la règlemen- tation des CIP 22 . Ces derniers ne furent donc pas conçus sur le modèle des entreprises d’investissement, mais comme une déclinaison des conseillers en investissement financier (CIF), qui était du reste le statut initialement adopté par la majorité des plateformes. Cette proximité se manifeste entre autres choses par une localisation commune dans un titre du Code monétaire et financier relatif aux « autres prestataires » (par opposition, notamment, aux PSI), et par le choix d’une autorégulation via des associations professionnelles de préférence à un agrément par une autorité de régulation. 12. - Officiellement donc, les CIP ne rendent pas un service de placement, hors de leur portée, faute d’agrément en qualité de PSI, ni même un service de RTO, lequel ne peut être rendu en vertu de l’exemption précitée que pour les ordres destinés à PSI ou à un organisme de placement collectif – et non à une société émettrice. L’activité des CIP se limite ainsi, à en croire le Code monétaire et financier, au conseil en investissement au sens de son article L. 321-1, 5°. Cette présentation peut laisser dubitatif, dès lors que l’activi- té des plateformes tend clairement à présenter à certains de leurs clients (investisseurs) les offres faites par d’autres (porteurs de projets), et à trans- mettre aux seconds les demandes de souscription formulées par les premiers. L’ensemble des projets à financer étant présentés de manière identique à l’ensemble des clients, on chercherait en vain la délivrance à leur profit de 19. « En toute logique, leur distribution aurait dû être confiée aux intermédiaires en financement participatif » (A. Reygrobellet, Le nouveau visage des bons de caisse : RTDF 2016/3, p. 109, n° 26). 20. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 13. 21. V. dir. 2014/65/UE, art. 3.1. 22. Le législateur belge s’est trouvé réduit aux mêmes contorsions : les plateformes assurent « la commercialisation d’instruments de placement émis par des émetteurs », mais « sans prestation d’un service d’investissement [...], à l’exception, le cas échéant, des services suivants : le service de conseil en investissement ; le service de réception et transmission d’ordres » (D. Robine, Adoption de la loi belge sur le crowdfunding : RD bancaire et fin. 2017, comm. 31). 23. AMF, Questions-réponses sur la notion de conseil en investissement : DOC-2008-23, Question 2. 24. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 2, 1, a, ii. 25. Est également évoquée une activité de « gestion individuelle de portefeuille » (art. 6), mais elle ne porte que sur des créances de prêts. La gestion de portefeuille de valeurs mobilières relève donc toujours du monopole des PSI (ce que rappelle le Considérant 19 du règlement). 26. Cela révèle aussi le caractère restrictif de la définition du service de RTO en droit français, qui suppose une transmission faite spécifiquement « à un prestataire de services d’investissement » (art. D. 321-1, 1°), alors que cet élément apparaît dans la Directive MIF 2 comme une condition à l’exemption prévue à l’art. 3, et non en tant qu’élément de définition du service lui-même. 27. PE et Cons. UE, dir. 2004/39/CE, 21 avr. 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, art. 19, 1 : JOUE n° L 145, 30 avr. 2004, p. 1. 28. Th. Bonneau, La directive « crédit hypothécaire », sa genèse, ses objectifs, son périmètre : RD bancaire et fin. 2015, étude 21, p. 83, n° 13, évoquant « une certaine « Mifidisation » des obligations du banquier dispensateur de crédit. ». – M. Roussille, « Mifidisation » des règles de commercialisation des produits bancaires : l’ACPR relaye les orientations de l’ABE : Banque et Droit 2017, n° 175, p. 41. 29. P. Pailler, Émergence d’un droit européen des services financiers, Mél. Jacques Mestre : Lextenso, 2019, p. 749. – Th. Gérard, L’intermédiation financière et la théorie de la représentation : thèse université de Paris, (dir. D. Legeais), 2020, n° 41 et s. 30. Ex. Wiseed (entreprise d’investissement), Younited Credits (établissement de crédit). « recommandations personnalisées » , étant rappelé que le service de conseil en investissement ne peut, par définition, être délivré qu’à un « investisseur » et non à l’émetteur des titres 23 . 13. - Naturellement, le législateur européen n’était pas assujetti aux mêmes contraintes. Il lui était loisible de modifier la directive MIF 2, et c’est pré- cisément ce qu’il a fait : la directive (UE) 2020/1504 du 7 octobre 2020 accompagnant le règlement (UE) 2020/1503 a pour unique objet de modifier l’article 2, 1 de la directive 2014/65/UE pour exclure de son champ d’appli- cation les PSFP. Ceux-ci se trouvent ainsi dispensés d’avoir à solliciter un agrément en qualité d’entreprise d’investissement, alors que, de l’aveu même du règlement, leur activité consiste en la fourniture conjointe de deux services d’investissement que sont le placement sans engagement ferme et la récep- tion et transmission d’ordre 24 , ces notions étant elle-même définies par renvoi à l’annexe I de la directive MIF 2 25 . Toutes choses qui mettent en pleine lu- mière – s’il en était encore besoin – l’artifice de la qualification de « conseil » jusqu’ici retenue par le droit français 26 . 14. - Sur le fond, les diligences attendues des PSFP sont manifestement ins- pirées de celles imposées aux entreprises d’investissement. En particulier, l’injonction qui leur est faite d’agir « d'une manière honnête, équitable et professionnelle, au mieux des intérêts de leurs clients » est directement tirée de la première directive MIF 27 . Elle a fait florès dans bien d’autres domaines, et le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 s’inscrit en cela dans un mouvement plus large de « Mifidisation » déjà observé ailleurs 28 . La chose se confirme derechef à la lecture des dispositions protectrices du client « non averti » , lui-même défini par référence à l’investisseur « non professionnel » de la directive MIF 2. Nul doute qu’une telle convergence sera lue comme une étape de plus dans l’émergence d’un droit commun des « services financiers » 29 . 15. - D’autant que si le règlement (UE) 2020/1503 réserve le crowdfun- ding aux personnes « qui ont été agréées en tant que prestataire de service de financement participatif » , cette activité est en réalité accessible aux éta- blissements de crédit et aux entreprises d’investissement. C’est déjà le cas en droit français 30 , mais la méthode ici suivie n’est plus la même : le Code monétaire et financier raisonne en termes d’ exclusion en énonçant que les PSI « ne sont pas soumis » aux dispositions intéressant les CIP lorsqu’ils exploitent une plateforme de financement participatif (C. mon. fin., art. L. 547-1, IV) ,

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