21ALLPB031

35 du projet » 9 . En outre, bien qu’il traite du financement sous forme de prêt, c’est tout de même l’émission de valeurs mobilières qui est au centre de texte. Cela tient à l’importance de ce type de financement (largement majoritaire en vo- lume), mais aussi à la densité particulière du corpus normatif européen en ce domaine. Le droit des services d’investissement constituait, sinon un modèle qu’il fallait imiter, du moins un point de référence dont il fallait partir pour forger le statut des prestataires et encadrer les opérations du financement participatif. 1. Le statut des prestataires 5. - Avec le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020, c’est une nou- velle catégorie de professionnels qui voit le jour : celle des « prestataires de services de financement participatif » (PSFP). Ce statut européen a vocation à remplacer tous ceux qui avaient été institués au niveau national, mais il vient s’ajouter à ceux déjà reconnus en droit de l’Union. A. - L’unification des statuts 6. - Parmi la grosse dizaine d’États membres ayant légiféré sur le finance- ment participatif, tous soumettent les plateformes à un enregistrement ou un agrément 10 , mais qui ne sont pas harmonisés et ne font l’objet d’aucune reconnaissance explicite. Or, c’est une chose pour une plateforme d’avoir des clients étrangers, c’en est une autre de pénétrer un marché en s’y livrant à des communications promotionnelles ou en créant un site qui le cible spécifi- quement (notamment par sa langue ou son nom de domaine). Les conseillers en investissement participatif (CIP) de droit français, en tant qu’ils exercent leur activité dans le cadre d’une exemption à la directive 2014/65/UE dite MIF 2, « ne bénéficient pas de la liberté de fournir des services ou d'exercer des activités ni de celle d'établir des succursales » dans un autre État membre 11 . Quant aux opérateurs étrangers, il leur est difficile de se conformer à nos règles, dès lors que l’ORIAS n’accepte d’enregistrer que des personnes éta- blies en France 12 . Est-ce à dire qu’il leur faut-il impérativement s’implanter sur notre sol pour y proposer leurs services 13 , ou les libertés de circulation déjà consacrées par le droit européen les en dispensent-elles 14 ? 7. - Ces questions n’auront pas lieu de se poser pour les nouveaux « prestataires de services de financement participatif » , puisque le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 leur reconnaît la liberté d’exercer leur activité dans n’importe quel État membre sans avoir besoin de s’y faire enre- gistrer ni même d’y avoir une « présence physique » 15 . « L’activation » du pas- seport suppose tout au plus une notification adressée aux autorités de l’État d’accueil – par l’intermédiaire de celles de l’État d’origine – sur le modèle de 9. Ph. Didier, Le crowdlending : RD bancaire et fin. 2019, dossier 17, n° 13. 10. Identifying market and regulatory obstacles to crossborder development of crowdfunding in the EU, préc., ann. A1, p. 8, pt. 1.1.3. 11. PE et Cons. UE, dir. 2014/65/UE, 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, art. 3, 3 : JOUE n° L 173, 12 juin 2014, p. 349 et infra n° 11. – V. également C. mon. fin., art. L. 532-1, 2°, h et art. L. 547-6, II. 12. ORIAS, Note relative au fonctionnement du registre unique, déc. 2020, p. 34 (CIP) et p. 38 (IFP). 13. En ce sens, V. J.-M. Moulin, Régulation du crowdunding : de l’ombre à la lumière : BJB 2014, n° 7, p. 356 : « les personnes morales qui souhaiteront développer cette activité en France ne pourront le faire qu’en s’établissant en tant que telles en France ». 14. En ce sens, V. M.-C. Lambertye-Autrand, C. Kleiner et L. Usunier, L’activité transfrontière des plateformes de financement participatif, in Le cadre juridique du crowdfunding, (dir.) A.-V. Le Fur : SLC, 2014, p. 13, n° 14. La CJUE est en effet réticente à ce qu’un prestataire déjà régulé dans son pays d’origine le soit de surcroît par l’État d’accueil (R. Gaspard, La reconnaissance mutuelle en droit bancaire et financier européen : thèse Fondation Varenne, 2019, préf. H. Synvet, n° 134 et s.). 15. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 12, 12. 16. Dir. 2014/65/UE, art. 34 et s. – C. mon. fin., art. L. 532-23 et s. 17. C’est à elle qu’échoit déjà le contrôle des CIP en l’absence d’association professionnelle agréée (C. mon. fin., art. L. 547-4, V). 18. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/1503, art. 12, 16, a. ce qui existe déjà dans les services d’investissement 16 . L’unification juridique est d’autant plus marquée que, si le projet de règlement prévoyait initialement la création d’un statut optionnel appelé à coexister avec des législations na- tionales demeurant par ailleurs inchangées, c’est finalement le choix d’un ré- gime impératif qui a été retenu. Les statuts créés au sein des différents États membres ont donc vocation à disparaître – par absorption en quelque sorte –, les opérateurs déjà en place étant sommés de se faire agréer conformément aux nouveaux textes d’ici au 10 novembre 2022. 8. - Notons tout de même que l’« européanisation » n’est pas totale. Il est d’abord probable que le législateur français maintienne les intermédiaires en financement participatif (IFP) pour certaines activités non couvertes par le règlement (dons et prêts sans intérêt). En outre, c’est bien une autorité natio- nale qui sera chargée de l’agrément et de la surveillance des prestataires, et non, comme l’envisageait le projet de règlement, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Une centralisation aussi poussée, dont le seul pré- cédent est le Mécanisme de surveillance unique en matière bancaire, aurait été disproportionnée dans la mesure où aucun risque systémique ne s’attache au financement participatif. Il y a donc reconnaissance mutuelle d’agréments nationaux, et non instauration d’un agrément européen à proprement parler (ce qui rend quelque peu superfétatoire l’appellation, quant à elle conservée, de « prestataires européens de services de financement participatif » ). 9. - Ces missions d’agrément et de contrôle – dont tout porte à croire qu’elles seront dévolues en France à l’Autorité des marchés financiers (AMF) 17 – s’exer- ceront cependant sous la tutelle de l’AEMF, qui se voit tout de même recon- naître d’importantes attributions : au-delà de la collecte et de la publication de diverses informations à l’échelle de l’Union, des missions autrement plus substantielles lui échoient, en particulier celle de s’assurer que les autorités nationales « octroient les agréments [...] de manière cohérente » (art. 12, 9) , d’élaborer « les formulaires, modèles et procédures standards à utiliser pour la demande d’agrément » 18 , ou encore de préparer une multitude de normes techniques, dont on sait qu’elles contribuent puissamment à l’harmonisation des pratiques. 10. - Le règlement (UE) 2020/1503 opère encore une unification en ce sens qu’il ne distingue pas les prestataires facilitant l’octroi de prêts de ceux concourant à l’émission de valeurs mobilières. Source de complexité, la coexistence en droit français des IFP et des CIP était devenue plus arti- ficielle encore depuis qu’une ordonnance du 28 avril 2016 y avait introduit les « minibons » : alors qu'ils sont expressément exclus de la catégorie des instruments financiers (C. mon. fin., art. L. 211-1, IV) et qu’ils sont « délivrés en contrepartie d'un prêt » (C. mon. fin., art. L. 223-1) , leur distribution a

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=