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CONTRATS ET PRODUITS FINANCIERS 32 banque devra se prémunir d’un tel grief qui sera de nature à compromettre la bonne réalisation de l’opération. Si l’exigence légale concerne l’établisse- ment d’un écrit, les parties restent toutefois relativement libres concernant les formalités de celui-ci. Néanmoins, certaines d’entre elles s’avéreront indispensables en pratique. Il s’agit, en premier lieu, du consentement des parties 23 , qui doit pouvoir se vérifier facilement dans l’acte, et de leur identi- fication (identité, numéros SIRET/SIREN/RCS, adresse ou siège social, etc). Il s’agit, en deuxième lieu, de la date de conclusion de la cession, notamment pour rendre l’acte opposable aux tiers de façon certaine. Il s’agit, en troisième lieu, de la désignation des dettes cédées. À ce titre, il faut rappeler qu’il est permis de céder des dettes dont la nature est encore incertaine, soit parce qu’elles sont frappées d’une condition suspensive non encore réalisée, soit parce qu’elles font l’objet d’un litige. D’autres éléments pourraient ensuite y être mentionnés tels que, le cas échéant, la libération du cédant et le sort réservé aux exceptions, points sur lesquels il est permis de stipuler 24 . Enfin, même si l’article 1327 du Code civil ne semble exiger qu’un acte unique, il conviendrait de délivrer l’original en autant d’exemplaires que de parties (C. civ., art. 1375) pour réduire le risque de contentieux portant sur la preuve 25 . 9. - L’équilibre contractuel. - Le créancier doit faire attention à ce que l’acte ne contienne pas des stipulations qui soient sources de déséquilibre signi- ficatif 26 . À ce titre, il faut rappeler que la législation consumériste contre les clauses abusives aura généralement 27 vocation à s’appliquer dans les rela- tions que la banque entretiendrait avec des consommateurs. En revanche, selon l’article L. 511-4 du Code monétaire et financier, le droit des pratiques restrictives de concurrence – donc y compris l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce qui sanctionne le déséquilibre significatif – ne s’applique pas aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opé- rations de banque et opérations connexes 28 . Mais cette solution spécifique au droit des pratiques restrictives de concurrence ne préjuge en rien de l’appli- cabilité de l’article 1171 du Code civil. Il convient de préciser, à ce titre, que les juges du fond n’hésitent pas à appliquer ce texte à propos de contrats de location financière 29 . Il pourrait ainsi en être de même pour d’autres types d’actes tels que la cession de dette. 3. Les effets de la cession de dette 10. - Le changement de qualité du débiteur. - La dette est transférée telle qu’elle est avec ses accessoires : elle conserve donc sa nature (civile ou com- merciale), ses modalités (condition, terme, etc.), ses caractéristiques (intérêt conventionnel, clause d’anatocisme, etc.). Une question se pose toutefois dans le cadre de toute cession : c’est celle de savoir si le changement de qua- lité du débiteur pourrait remettre en cause la mise en œuvre de certains droits 23. C’est l’un des enjeux relatifs à la question de savoir si la cession de dette est une opération bipartite ou tripartite : par sécurité, il faut sans doute partir du principe qu’il s’agit d’une opération tripartite et, en conséquence, recueillir le consentement des trois parties en présence. 24. V. infra. 25. En ce sens, Y. Lequette, F. Terré, P. Simler, F. Chénédé, Droit civil – Les obligations : Dalloz, coll. Précis, 12e éd., 2018, n° 1658, p. 1632, p. 1699. 26. C.-M. Péglion-Zika, La notion de clause abusive – Étude de droit de la consommation : th. Paris II, LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 2018. – S. Chaudouet, Le déséquilibre significatif : th. Montpellier, 2018. – H. Hadj-Aïssa, Contribution critique à l’étude du déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-1 du Code de commerce : th. univ. Lorraine, 2019. 27. Généralement, car certains contentieux révèlent les limites du droit des clauses abusives, notamment parce que la clause porte sur la définition de l’objet principal du contrat, comme en matière de prêts libellés en francs suisses. Sur la question, V. not. Cass. 1re civ., 3 mai 2018, n° 17-13.593 : JurisData n° 2018-007117 et la synthèse jurisprudentielle très exhaustive de X. Henry, Observatoire des contentieux – Synthèse n° 9 – Prêt indexé sur le franc suisse, n° 24 et s, p. 36 et s. : disponible sur https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3019/files/2021/01/OBS_9_pret_suisse.pdf. 28. Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-10.512 : JurisData n° 2020-000405 ; JCP E 2020, 1212, note M. Behar-Touchais ; Contrats, conc. consom. 2020, comm. 43, note N. Mathey. – H. Hadj-Aïssa, Nouvelles précisions concernant le champ d’application personnel de l’ancien article L. 442-6-I, 2° du Code de commerce : LPA mars 2020, n° 151, p. 14. 29. CA Lyon, 3e ch., sect. A, 27 févr. 2020, n° 18/08265 : JurisData n° 2020-022391. – CA Bourges, ch. civ., 9 avr. 2020, n° 19/00903. – CA Paris, pôle 4, ch. 9, 25 juin 2020, n° 17/16211. 30. Sur cette idée : A. Ghozi, La modification de l’obligation par la volonté des parties : th. Paris II, LGDJ coll. Bibl. dr. priv., 1980, n° 666, p. 241. – L. Andreu, Du changement de débiteur : th. Paris-Sud, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. th., 2010, n° 96 et s., p. 128 et s. qui, valables et efficaces dans le premier rapport d’obligation, pourraient ne plus l’être dans le second. Par exemple, est-ce que la cession de la dette d’un professionnel à un particulier aurait pour effet d’interdire la mise en œuvre d’une clause compromissoire ou d’une clause attributive de juridiction ? Dans un sens, il est permis de dire que la dette reste identique quel que soit le chan- gement de partie. Dans un autre sens, la cession de dette ne se résume pas totalement en la transmission d’une obligation mais correspond, également, à l’existence d’un lien personnel. Cette nature personnelle du lien d’obligation peut conduire à altérer l’étendue de certains droits en cas de changement de qualité des parties 30 . Cela peut avoir un impact sur des stipulations sensibles, telles que les clauses attributives de juridiction, ou sur le délai de prescription qui court contre la banque, voire sur les éventuelles obligations précontrac- tuelles d’information, surtout dans l’hypothèse où une dette professionnelle serait cédée à un particulier. Toutefois, la banque ne fournissant aucun service au cessionnaire (s’agissant d’une simple cession de dette), les dispositions protectrices du droit de la consommation ne trouveraient pas lieu à s’appli- quer. Dès lors, l’article L. 212-1 du Code de la consommation devrait théori- quement être exclu (ce qui pose néanmoins la question de l’applicabilité de l’article 1171 du Code civil). Ensuite, le délai de prescription applicable ne sera pas celui, biennal, du Code de la consommation, mais le délai quinquennal de droit commun. Enfin, la banque ne sera débitrice d’aucune obligation précon- tractuelle d’information à l’égard du cessionnaire. Donc, même si le créancier doit rester vigilant lorsque la cession conduit à un changement de qualité du débiteur, les dangers d’un éventuel bouleversement de l’équilibre initial de la convention restent minimes. 11. - La libération du cédant. - Du point de vue du créancier cédé, l’un des enjeux majeurs de la cession de dette concerne la libération éventuelle du cédant. À ce titre, l’article 1327-2 précise que « si le créancier y consent expressément, le débiteur originaire est libéré pour l'avenir » . Par conséquent, le simple fait d’accepter la cession de dette de la part du créancier ne vaut pas, en lui-même, libération du cédant. Pour cela, il faut qu’il y consente « expressément » car la renonciation à un droit ne peut pas être équivoque. En d’autres termes, il n’existe heureusement pas de présomption de libération du débiteur. Donc, à défaut de stipulation expresse en ce sens, il n’est pas permis d’admettre une quelconque libération du cédant qui restera ainsi tenu en même temps que le cessionnaire. En revanche, si le créancier accepte de libérer le cédant, le texte indique que ce dernier n’est libéré que pour l’avenir. La portée de cette solution interroge. Cela veut d’abord dire que le cédant reste tenu des dettes échues, qu’elles soient passées ou présentes. Cela veut ensuite dire qu’il ne sera pas redevable des dettes qui naissent après la ces- sion, autrement dit, des dettes futures. Mais qu’en est-il des dettes nées avant la cession mais qui sont à échoir après celle-ci ? Il est permis de penser

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