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31 notamment dans les relations entre le cédant et le cessionnaire 12 . Au premier abord, il est vrai que, sur une institution nouvelle, il aurait pu être utile d’être plus disert sur certains points, comme sur la question du contenu de l’écrit par exemple. Mais, en réalité, ce manque de précision est une aubaine pour les parties qui pourront plus aisément user de leur liberté contractuelle et organiser la convention comme elles le souhaitent. En ce sens, la présente contribution cherche aussi à rappeler les éléments qui peuvent faire l’objet d’un règlement conventionnel de la part des parties. 4. - L’essentiel des questions sur lesquelles il s’agit d’être attentif se concentre sur trois points : la qualification de l’opération, sa validité et ses effets. 1. Qualification de l’opération 5. - Expliciter l’opération. - La reprise de dette peut s’effectuer de plusieurs manières. En ce sens, des conflits de qualification pourraient naître entre, d’une part, la cession de dette envisagée et, d’autre part, la novation ou la dé- légation. Or, l’enjeu est important car les effets seront radicalement différents, comme cela a pu être évoqué. Pour éviter de tels conflits, il apparaît donc important d’expliciter le type d’opération dont il s’agit. Cela passe d’abord par un intitulé clair (exemple : « acte de cession de dette » ) plutôt que par des intitulés un peu trop vagues (exemple : « reprise de dette » ). Cela passe ensuite, le cas échéant, par un préambule permettant de guider l’interprète dans le sens voulu par les parties. Cela passe enfin par une rédaction du contenu contractuel qui ne soit pas de nature à semer le doute. Il faudrait ainsi éviter les formulations littéraires du type « les parties cèdent, délèguent et transportent » 13 qui n’indiquent pas précisément de quelle opération il s’agit et, surtout, dont le sens est apparemment contradictoire. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur le fait que le juge, qui n’est pas tenu par la dénomi- nation des parties, peut requalifier l’acte, sauf dénaturation de sa part (CPC, art. 12) . Il faut donc être vigilant à ce que le contenu contractuel corresponde à la volonté réelle des parties. 6. - Délimiter le transfert. - Comme son nom l’indique, la cession de dette transfère une ou plusieurs dettes à un autre débiteur. Si les parties ont ainsi l’intention de réaliser une telle opération, il semble important de correctement circonscrire l’étendue du transfert. Or, plus l’étendue des obligations cédées sera grande, plus l’opération risque d’être qualifiée en cession de contrat. La différence est notable : la cession de dette ne transfère que la qualité de ces- sionnaire alors que la cession de contrat transfère la position de contractant 14 , ce qui aura pour conséquence d’affecter l’étendue des droits et obligations du cessionnaire et, plus particulièrement, les actions dont ce dernier pourrait bé- 12. Ibid. 13. Vu dans A. Ghozi, La location financière : des liaisons dangereuses : D. 2012, p. 2254, n° 18 : l’auteur évoque cette clause de style retrouvée dans des cessions de créance incluant une location financière. 14. La cession de contrat n’étant pas une simple juxtaposition d’une cession de créance et d’une cession de dette : L. Aynès, La cession de contrat : Dr. et patr., n° 260, 1er juill. 2016. 15. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une obligation précontractuelle d’information dont la banque pourrait être redevable à l’égard du nouveau contractant (V. déjà en ce sens pour l’obligation, pour un concédant, de fournir toutes les informations nécessaires au nouveau concessionnaire dans le cadre d’une cession de contrat : Cass. com., 21 févr. 2012, n° 11-13.653 : JurisData n° 2012-002819 ; JCP E 2012, 1481, note N. Randoux ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 123, note M. Malaurie-Vignal). 16. Sur ce risque, V. M. Julienne, Le régime général des obligations après la réforme : LGDJ, 1re éd., 2017, n° 248, p. 154. 17. Sur cette interrogation, V. not., O. Deshayes, T. Génicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : LexisNexis, 2e éd., 2018, p. 754. 18. Sur les difficultés d’interprétation autour de la notion de prise d’acte : M. Julienne, Le régime général des obligations après la réforme : LGDJ, 1re éd., 2017, n° 242, p. 151. 19. O. Deshayes, T. Génicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : LexisNexis, 2e éd., 2018, p. 755. 20. L. n° 2018-287, 20 avr. 2018, ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 21 avr. 2018. 21. En ce sens, Y. Lequette, F. Terré, P. Simler, F. Chénédé, Droit civil – Les obligations : Dalloz, coll. Précis, 12e éd., 2018, n° 1658, p. 1730. 22. Pour qui la nullité devrait être relative puisque la règle serait destinée à ne protéger que l’intérêt des parties, V. not. Y. Lequette, F. Terré, P. Simler, F. Chénédé, Droit civil – Les obligations : Dalloz, coll. Précis, 12e éd., 2018, n° 1658, p. 1632 : les auteurs s’expriment à propos de la cession de créance mais l’opinion est transposable à la cession de dette. – Comp. avec d’autres auteurs qui estiment que la nullité devrait être absolue en ce que l’écrit, permettant de constater l’existence de la cession, remplit une fonction de paix sociale, V. not. L. Andreu : JCl. Civil Code, art. 1327 à 1328-1, fasc. unique, préc., n° 32. néficier contre le cédé. Ainsi, le contractant cédé risquerait notamment de voir sa responsabilité plus facilement engagée surtout si, dans le même temps, le cessionnaire bénéficie de droits dont il peut demander l’exécution de la part du cédé 15 . Ce risque de qualification en cession de contrat, tel qu’il vient d’être décrit, serait susceptible de se rencontrer dans certains actes de prêt si la banque impose au cessionnaire de reprendre également la (les) convention(s) annexe(s) ou de lui appliquer toutes les stipulations de l’acte générateur de la dette d’emprunt 16 . 2. Conditions de la cession de dette 7. - Recueillir le consentement de toutes les parties. - La question est de savoir si la cession de dette est une opération tripartite ou bipartite 17 . Dans le premier cas, le consentement de toutes les parties est exigé à titre de validité de l’acte. Dans le second cas, seuls les consentements du cédant et du ces- sionnaire sont exigés pour que le contrat soit valable, celui du créancier cédé n’intervenant qu’à titre d’efficacité de l’acte. Qu’importe la position qui sera retenue par la jurisprudence car, si la banque est placée dans la situation de créancier cédé, l’opération lui sera toujours inopposable si elle n’a pas donné son consentement, que ce soit lors de la conclusion de l’acte ou à l’avance. Mais dans cette dernière hypothèse, la cession ne lui sera opposable que si elle lui a été notifiée ou si elle en a pris acte 18 . Ensuite, si la banque sou- haite procéder à une cession de dette, peut-elle directement passer outre le consentement du débiteur initial en concluant directement l’opération avec le nouveau débiteur ? En théorie, le procédé n’a rien d’incohérent mais l’ar- ticle 1327 du Code civil précise bien qu’il faut obtenir le consentement du cédant pour que l’acte soit valable. Si la volonté de la banque est de passer outre la volonté de ce dernier, elle devrait donc plutôt se diriger vers la nova- tion par changement de débiteur 19 . Enfin, même si les textes ne le précisent pas, il faut bien évidemment obtenir le consentement du cessionnaire car nul ne peut être placé dans une situation de débiteur sans l’avoir voulu. 8. - Établir un écrit. - Depuis la loi de ratification du 20 avril 2018 20 , la ces- sion de dette doit être constatée par écrit, et ce, à titre de validité de l’acte (C. civ., art. 1327, al. 2) . Cet ajout est applicable aux conventions conclues à partir du 1er octobre 2018, de sorte que pour les cessions conclues entre le 1 er octobre 2016 et la date précitée, l’écrit n’est pas obligatoire. Néanmoins, l’impact du changement sera sans doute très minime tant il est douteux que des cessions de dette aient été conclues pendant ce court intervalle 21 . L’écrit devenant nécessaire, son absence est sanctionnée par la nullité du contrat. Mais s’agit-il d’une nullité relative ou d’une nullité absolue ? Tout dépend de savoir quel est l’intérêt protégé par la règle 22 . Toutefois, dans tous les cas, la

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