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CONTRATS ET PRODUITS FINANCIERS 30 1. - Introduction. - La cession de dette est une innovation (discutée) de la réforme du droit des obligations 1 . Il s’agit de l’opération par laquelle un débi- teur (le cédant) transfère à un autre (le cessionnaire) une ou plusieurs dettes présentes ou à venir, avec l’accord du créancier (le cédé). Avant l’ordonnance du 10 février 2016, la validité d’une telle opération était contestée. Quelques auteurs considéraient qu’elle était permise au titre de la liberté contractuelle et il est vrai que, la plupart du temps, elle s’effectuait par des voies plus ou moins détournées, au moyen d’une novation par changement de débiteur ou d’une délégation 2 . Mais, malgré la réforme, la cession de dette ne fait pas l’unanimité. Elle est, tout d’abord, critiquée en ce qu’elle ne serait pas une véritable cession telle que l’est la cession de créance 3 . Ensuite, parce que la dette ne serait pas véritablement un bien, il est critiquable de pouvoir la céder 4 . Enfin, la cession de dette mènerait vers une objectivation exacerbée des obligations 5 . Toujours est-il qu’elle présente d’incontestables utilités. Elle peut d’abord produire l’effet d’un paiement indirect de l’obligation, notam- ment lorsque la cession éteint une dette dont le cessionnaire était redevable à l’égard du cédant. Elle peut ensuite être un mode de paiement total ou partiel du prix de vente quand, à la place du versement d’une somme d’argent au vendeur, l’acheteur propose de reprendre ses dettes au moyen d’une cession, comme en matière de reprise de prêt hypothécaire ou de fonds de commerce 6 . Elle peut enfin satisfaire l’intérêt spéculatif poursuivi par le cessionnaire, plus précisément lorsqu’il reprend à sa charge une dette incertaine. 2. - L’avenir de la cession de dette. - Malgré de tels arguments, il n’est pas encore possible d’augurer du succès que rencontrera la cession de dette dans le milieu bancaire. Effectivement, en matière de reprise de dette, ce secteur est davantage habitué à recourir à la novation et à la délégation 7 . Ceci Ndlr : publié in RD bancaire et fin. 2021, dossier 8. 1. Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 11 févr. 2016, texte n° 26. 2. Sur tous ces éléments, V. L. Andreu, Du changement de débiteur : th. Paris-Sud, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. th., 2010, n° 56 et s., p. 76 et s. 3. M. Latina, G. Chantepie, Le nouveau droit des obligations : Dalloz, 2e éd., 2018, n° 877, p. 795. 4. Sur la question, V. R. Libchaber, Rep. civ. Dalloz, v° « Biens », n° 19 et s. 5. Sur ce phénomène d’objectivation des obligations : E. Gaudemet, Étude sur le transport de dettes à titre particulier : th. réimprim., éd. Panthéon-Assas, coll. Les Introuvables, 2014. 6. Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n° 08-11.093 : JurisData n° 2009-047955. 7. Pour un constat global : D. Houtcieff, Cession de dette ou délégation : transport de dette ou nouveau débiteur ? : Dr. et patr., n° 249, 1er juill. 2015. 8. C. civ., art. 1334 pour la novation. – Et C. civ., art. 1336 pour la délégation. 9. V. infra. 10. En ce sens, JCl. Civil Code, art. 1327 à 1328-1, fasc. unique : Régime général des obligations. – Opérations sur obligations. – Cession de dette, par L. Andreu, n° 93. 11. M. Julienne, Le régime général des obligations après la réforme : LGDJ, 1re éd., 2017, n° 220, p. 140. s’explique sans nul doute pour deux raisons. La première est que les acteurs ont eu le temps de s’approprier ces institutions anciennes et d’établir des modèles d’acte qu’il leur suffit de reprendre selon leur guise. La seconde est que ces opérations ont pour effet d’éteindre l’obligation ancienne, de sorte que leur régime est soumis à un système d’inopposabilité des exceptions que le nouveau débiteur aurait éventuellement voulu soulever contre le créancier 8 . Tel n’est pas le cas de la cession de dette qui, par son effet translatif, permet au nouveau débiteur d’opposer tant les exceptions inhérentes à la dette que celles qui lui sont personnelles (C. civ., art. 1328) . Malgré cet inconvénient apparent pour le créancier – car il peut être corrigé par la volonté des parties 9 – la cession de dette a pourtant un avantage que la novation et la délégation novatoire n’ont pas : elle emporte transfert des accessoires en même temps que la dette là où, pour les autres opérations précitées, il n’y a pas d’effet équivalent. Ce transfert permet d’arriver plus simplement au résultat escomp- té dans certaines situations. Cela se remarque directement en matière de reprise de prêt hypothécaire : ce n’est qu’à défaut de mécanisme translatif que la pratique s’est dirigée vers les opérations créatrices d’obligations alors que, depuis la réforme, il apparaît que la cession de dette est le moyen le plus simple et approprié pour réaliser cette opération 10 . La cession de dette ayant un intérêt indéniable, et dans le cas où les parties y auraient recours à moyen terme dans le secteur bancaire, les présents développements consistent à attirer l’attention du rédacteur d’acte sur certains points importants pour le bon déroulement de l’opération. 3. - Des textes insuffisamment précis... un problème ? – Il est parfois reproché aux textes régissant la cession de dette d’avoir été « insuffisamment pensés » 11 et de ne pas être assez précis sur le régime qui lui est applicable, La cession de dette enmatière bancaire : quelques rappels et précautions Étude par HakimHadj-Aïssa, maître de conférences en droit privé à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - co-animateur de l'axe Contrats, concurrence et marché du laboratoire de droit des affaires et nouvelles technologies - coordinateur du Master 2 Droit de la concurrence et des contrats © Droits réservés

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