21ALLPB031

12 ASSURANCE-VIE gération manifeste : la preuve d’un tel versement établit que le souscripteur a contracté une assurance comme il l’aurait fait d’un contrat d’épargne. 10. - Par conséquent, le critère de l’utilité du contrat, essentiel dans la dé- termination de l’exagération manifeste, est sans doute applicable dans le contentieux de la saisie. C’est la raison pour laquelle, l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 16 décembre 2020, re- tient l’attention 9 . En l’espèce, une personne avait souscrit pour un montant s’élevant, à 2 066 860,85 € 10 . Précisément, les primes furent versées, entre 1995 et 1998, alors que le souscripteur était âgé de 66 à 69 ans. À son décès survenu en août 2009, la valeur de ces primes fut évaluée à 61 % de l’actif successoral. Pour la Cour de cassation, « Après avoir relevé qu’entre 1995 et 1998, X... F... avait souscrit des contrats d’assurance sur la vie et versé des primes de 368 472,17 euros sur celui ouvert auprès de la compagnie Allianz vie, 457 347,05, 228 673,53, 365 877,64, 365 877,64, 76 224,51 et 60 979,61 euros sur ceux ouverts auprès de la BNP et 143 408,57 euros sur celui ouvert auprès du Crédit du Nord, alors qu’il était veuf, âgé de plus de 65 ans et disposait d’une retraite confortable de 55 000 euros, l’arrêt retient que ces placements, effectués principalement sous forme de prime unique pour des montants particulièrement conséquents, représentant 61 % de l’actif successoral, ne s’inscrivaient pas dans un projet particulier tel que le finance- ment de frais d’hébergement en maison de retraite et ne présentaient aucun intérêt personnel ni économique mais avaient pour seul but de soustraire l’es- sentiel de l’actif de la succession au profit d’un seul héritier réservataire, de sorte que la preuve du caractère manifestement exagéré des primes versées est rapportée. En l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte qu’elle a tenu compte de l’âge, de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité des opérations à la date de chacun des versements effectués, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a estimé que les primes présentaient un caractère manifestement exagéré ». 11. - Ce qui retient particulièrement l’attention dans cette affaire, c’est la mo- tivation des juges du fond approuvée par la Cour de cassation. Tout d’abord, l’exagération manifeste est retenue malgré la relative jeunesse du souscrip- teur au moment du versement : c’est sans doute l’une des premières fois que la Cour de cassation approuve la qualification de primes manifestement exagérées, alors que celles-ci ont été versées plus de 10 ans avant le décès de l’assuré. Ensuite, le défaut d’utilité du contrat, élément central de la notion, est ici très facilement retenu, pour des motifs qui laissent perplexes 11 . La no- tion d’exagération manifeste devant selon nous être entendue d’une manière uniforme quel que soit le domaine de son application, il est donc à craindre une possibilité accrue de contestation de créancier impayé sur ce fondement. 9. Cass. 1re civ., 16 déc. 2020, n° 19-17.517 : JurisData n° 2020-021279. 10. Voire à 3 104 887 € s’il faut en croire sa déclaration d’ISF pour l’année 2009. 11. Pour une critique détaillée de cet arrêt V. réf. note 1. 12. Sur cette question, V. par ex., L. Mayaux, Les assurances de personnes, Traité de droit des assurances, J. Bigot (dir.), t. 4 : LGDJ, 2007, n° 378. « il n’existe pas de créance de rachat dont la valeur figurerait dès l’origine dans le patrimoine du souscripteur, mais une créance née du rachat dont l’existence est subordonnée à l’exercice effectif de cette faculté » (L. Mayaux, L’assurance vie est-elle soluble dans la capitalisation ? : RGDA 2000, p. 767 ; Traité des assurances de personnes : LGDJ, p. 326). 13. C. assur., art. L. 132-14. – Et CGI, art. L. 263 0 A selon lequel, peuvent faire l’objet d’un avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263, « les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l’avis à tiers détenteur ». 14. BOI-REC-FORCE-30-30-20-10, n° 190. 15. En revanche, une clause de renonciation à la créance de rachat, rendant le contrat non rachetable constitue nécessairement un obstacle à la saisie faute de créance. 16. Cass. com., 16 déc. 2020, n° 18-24.564. 17. Position confirmée par la Cour de cassation : Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636 : JurisData n° 2020-009389. – Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-19.340 : JurisData n° 2020-020429. 18. Sur les précautions à prendre dans le montage, V. en particulier, O. de Saint-Chaffray, OBO immobilier : une stratégie attrayante... subordonnée à des réglages fins (1re partie) : RFP 2018, étude 17 ; Étude par O. de Saint Chaffray, OBO immobilier : la dette sous surveillance (2e partie) : RFP 2018, étude 24. B. - Possibilités de saisie de la valeur de rachat 12. - La caractéristique première des assurances-vie reposant sur le mé- canisme de la capitalisation est que l’engagement de l’assureur, en cas de réalisation du risque sous couverture, est égal à la valeur liquidative des sup- ports de placement des primes ou du fonds en euros. Le législateur offre au contractant la possibilité de faire varier cette valeur à la hausse (versement libre des primes) ou à la baisse par le droit de rachat. Compte tenu de son effet, le droit de rachat est sans aucun doute un droit personnel, puisqu’il diminue la couverture du risque dont le souscripteur a souhaité la couverture. C’est la raison pour laquelle à notre sens ce caractère personnel existe indé- pendamment de la clause bénéficiaire elle-même 12 . Le comptable public peut cependant exercer le droit de rachat au lieu et place du redevable oublieux de ses obligations fiscales 13 . Pour l’administration fiscale, cette saisie produit les effets d’un rachat total ou partiel du contrat d’assurance-vie et a ainsi pour objet d’en saisir la valeur de rachat, calculée au jour de la notification de l’acte 14 . Il en résulte donc qu’une clause de non-rachat ne peut pas constituer un obstacle à la saisie 15 . 13. - En revanche, plusieurs opérations, en raison des droits attribués à des tiers, produisent cet effet. C’est le cas d’une délégation de contrat d’assu- rance-vie, consentie et acceptée avant la notification de l’avis à tiers déten- teur sur ce même contrat. En consentant à la délégation, le souscripteur/délé- gant donne en effet l’ordre à l’assureur (qui accepte en qualité de délégué) de s’engager envers un créancier (délégataire) : l’assureur devient donc le débi- teur du délégataire. Il en résulte que l’avis à tiers détenteur notifié ultérieure- ment ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit au paiement par le délégué 16 . De même, en présence d’un acte de nantissement régulièrement et valablement constitué, l’avis à tiers détenteur ne produira pas non plus ses effets 17 . Enfin, un contrat d’assurance-vie dont la clause bénéficiaire a été acceptée n’est plus saisissable au sens de l’article L. 263-0 A du LPF, la valeur n’étant plus disponible. 2. Stratégies de sécurisation par l’assurance-vie 14. - Les évolutions récentes n’ont pas encore privé l’assurance-vie de son charme. Elle demeure un placement indispensable pour sécuriser ces actifs. Ainsi, la protection de son patrimoine privé est, pour le chef d’entreprise exer- çant sous forme sociétaire, un objectif essentiel. Car, en raison de son mode de mode de gestion, il ne bénéficie pas des dispositions protectrices des actifs immobiliers, non affectés à l’immobilier professionnel. Pour sécuriser ceux- ci, il est donc nécessaire de recourir à des mesures palliatives, lesquelles peuvent emprunter la figure connue de l’OBO immobilier 18 . L’opération peut

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=